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demi-mesure, était le plus sage peut-être qu’il pût prendre. La situation était en effet des plus embarrassantes pour Napoléon par suite du malheureux état de santé où se trouvait le prisonnier de Savone. Les dernières lettres reçues du préfet de Montenotte annonçaient que l’aliénation mentale de Pie VII était passée ; mais à l’agitation des premiers jours avait succédé une sorte de mélancolie tranquille. Le souverain pontife n’avait pas cessé de témoigner la même répugnance à reconnaître les engagemens pris avec les évêques envoyés près de lui, et consignés par ceux-ci dans la note laissée entre ses mains. M. de Chabrol donnait toutefois à entendre que le pape pourrait un jour revenir à dès sentimens plus concilians. Avec un peu de temps, il ne désespérait pas de lui faire de nouveau agréer, sauf de légères modifications, les clauses du traité dont le projet lui avait été soumis par les députés de l’empereur : à cet égard, rien n’était sûr encore ; mais il inclinait vers la confiance. On comprend qu’en présence de tant d’incertitudes il n’eût pas été prudent de la part de l’empereur de produire une pièce que le pape pouvait démentir. Cependant il était cruel de n’en faire aucun usage dans un moment de crise si pressant, quand on avait lieu de supposer, d’après ce que mandait l’habile préfet de Monteriotte, que le traité déjà ébauché serait ratifié prochainement. Napoléon imagina de tout concilier en recourant à un moyen terme. Il prit le parti d’autoriser les évêques députés à Savone à parler avec beaucoup plus de détails aux membres de la commission de ce qui s’était passé pendant leur voyage ! Pour son compte, il agirait comme s’il eût été assuré de cette approbation pontificale que M. de Chabrol lui faisait entrevoir sans oser la lui garantir. Son parti ainsi pris, Napoléon ne faisait plus que rentrer dans ses habitudes en témoignant tout à coup la confiance la plus extrême dans la réussite du plan qu’il venait d’improviser. « Vous n’êtes tous que des nigauds, dit-il, apostrophant derechef le cardinal Fesch. Vous ne connaissez pas votre position. Ce sera donc moi qui vous tirerai d’affaire ; je vais tout arranger. » Puis, appelant M. Aldini, secrétaire d’état du royaume d’Italie, il lui dicta incontinent et presque sans s’arrêter l’écrit qu’on va lire.

« Le rapport de la commission doit être fait sur les bases suivantes : 1° que, l’empereur ayant le droit de nommer aux évêchés vacans, son droit se trouve nul, si l’institution peut être refusée par d’autres raisons que les cas prévus par le concordat de Léon X ; 2° que, sa majesté ayant réitéré plusieurs fois la demande de l’institution canonique, qui a été refusée, elle a pu être autorisée à regarder le concordat comme non existant, et à réunir un concile pour qu’il pourvût à l’institution