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ouvrages, nous ne rencontrons plus que des livres où l’admiration est presque sans mélange. Le profil de Byron par M. Torelli est une silhouette qu’il a trop ornée d’antithèses et de contrastes de style ; nous craignons que cet écrivain ne se propose tout simplement d’importer la vivacité française dans la prose majestueuse de Boccace. Les Conversations de Goethe et d’Eckermann rappellent trop souvent le Boswell de la Vie de Johnson) qui rappelle lui-même notre Brossette dans la correspondance de Boileau. Eckermann, Boswell, Brossette, nous servent un excellent repas où nous regrettons seulement qu’ils se soient servis eux-mêmes ; mais, hâtons-nous de le dire, le bon Eckermann mérite toute notre reconnaissance pour les jugemens qu’il a recueillis sur les lèvres de Goethe. Jamais Byron n’a été apprécié avec plus de justesse que par le glorieux vieillard, qui le suivait de loin dans le courant de ses productions multipliées. Deux professeurs, dans des ouvrages d’une portée aussi différente que leur style et leur réputation se ressemblent peu, ont étudié Byron, pour ainsi dire, ex cathedra. Si vous voulez un tableau précis de la vie et des œuvres de Byron, lisez M. Eberty ; s’il vous faut une plume qui accuse avec puissance ce qu’il y a de haut en couleur et d’excessif dans Byron, lisez M. Taine. Il a démêlé dans l’œuvre du poète ce qui est durable et ce qui est passager. La prudence conseille bien çà et là de lire avec circonspection. Il n’est que juste de tenir Don Juan pour le chef-d’œuvre de Byron, et un des maîtres de la critique de notre temps avait bien dit quelque chose de semblable[1] ; mais dans Don Juan il y a plus que la peinture du plaisir : si Byron n’y avait pas mis autre chose, il n’aurait pas fait un chef-d’œuvre. Nous avouons qu’il nous a été impossible de trouver ni le vrai Byron, ni même le faux, dans l’ouvrage anonyme ayant pour titre : Lord Byron jugé par les témoins de sa vie. Ce livre, qui se recommande par une tendresse visible pour la mémoire du poète, nous a rappelé le Don Juan de Maranha, dont l’auteur, quel qu’il soit, désolé de voir le héros destiné aux flammes de l’enfer, a voulu sauver son âme par la vertu des prières de sa mère. Si cet ouvrage contient la vérité sur Byron, il faut avouer que sa renommée, ses correspondances, ses œuvres, nous ont tous bien trompés. Une place est due dans cette étude au chapitre de M. de Laprade sur Byron : bien qu’un poète ne puisse éviter entièrement, dans les travaux de la critique, de substituer ses vues personnelles à la pure et simple vérité, il était difficile que l’auteur du Sentiment de la nature se méprît entièrement sur un écrivain qu’il aime ; mais c’est surtout la préface de M. Swinburne qui a mérité notre attention.

  1. Villemain, Étude sur Byron.