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l’espoir d’être complètement éclairé sur les temps auxquels remontent la grandeur et la prospérité du Cambodge. Vers le milieu du XVIe siècle, des Portugais vinrent se fixer dans ce pays, où l’on reconnaît encore chez leurs descendans quelques traits de leur race ; ils avaient laissé des mémoires qui eussent été, au moins pour l’histoire de cette époque, une source précieuse d’informations ; les Siamois les ont détruits. Ces Portugais, à leur arrivée dans le pays, demandèrent au roi un coin de terre. Celui-ci leur permit de déterminer eux-mêmes l’espace dont ils avaient besoin. Ils déclarèrent humblement qu’ils en voulaient grand comme la peau d’un buffle, puis, renouvelant l’escamotage des compagnons de Didon, ils s’approprièrent un terrain considérable. Depuis ce jour, les Cambodgiens disent volontiers d’un chrétien qu’il appartient au village de la peau qui s’étire.

Quelques passages des livres chinois font mention du Cambodge comme de l’un des nombreux royaumes tributaires du Céleste-Empire. Ils le font même dépendre, antérieurement au VIIe siècle de notre ère, de la province, alors chinoise, du Founan ou Tonkin. S’il faut en croire leur témoignage, en l’année 616 de l’ère chrétienne, sous le règne de Yongti, de la dynastie des Soui, le pays de Cambodge, qu’ils appellent Tchinla, commence à payer tribut et à envoyer des ambassadeurs au Fils du Ciel. Un des rois du Cambodge aurait secoué le joug du Tonkin, dont il se serait même emparé, ainsi que du royaume de Thsan-pan, en l’année 625. Ce dernier pays pourrait être l’ancien Ciampa, visité par Marco-Polo, compris aujourd’hui dans la province annamite du Binthuan, à laquelle nous touchons par celle de Bienhoa. Sous les Ming, les armées de Tchinla auraient soumis la Cochinchine tout entière. L’empereur de la Chine, dans ses luttes contre le Tonkin, ne dédaigne pas lui-même de rechercher l’appui du roi de Tchinla en 1076. Les rapports paraissent donc avoir été fréquens entre le grand empire et le puissant royaume. Le voyageur chinois dont Abel Rémusat a traduit la relation raconte que de son temps les habitans de Tchinla donnaient à leur pays le nom de Kamphoutchi, devenu bientôt Kamphoutche. Les Cambodgiens d’aujourd’hui s’appellent eux-mêmes Khmer, et disent, en parlant de leur patrie, Sroc-Khmer, pays des Kmer, On ne peut s’empêcher néanmoins de reconnaître dans le Kambodia des Portugais, dont nous avons fait Cambodge, une corruption évidente du mot Kamphoutche.

D’un autre côté, on lit dans les annales de Siam que le pays de Sajam a été longtemps sous la domination du roi de Kamphoxa, et lui payait tribut. Phra-Ruang, prince de Sajam, affranchit son pays, qui prit alors le nom de Thaï, c’est-à-dire libre, et modifia