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que rien n’était fait au bout d’un an. Tout était réglé cependant, les députés serbes et les diplomates russes avaient formulé les conditions que la Turquie acceptait, il n’y manquait plus que la signature de Mahmoud. Mahmoud demeurait sourd aux réquisitions les plus vives. Il fallut que le tsar Nicolas prît un parti décisif, sous peine de se résigner à un affront ; ces perpétuels ajournemens indiquaient trop bien un mépris déclaré de la convention d’Akermann. La Russie avait en outre certains autres griefs plus ou moins fondés quand elle déclara la guerre à la Turquie. Les Serbes n’étaient pas seuls en cause ; il s’agissait aussi de la Moldavie, de la Valachie, de la Grèce, des souffrances infligées aux sujets chrétiens du sultan, des entraves apportées à la navigation russe. Il faut avouer d’ailleurs que la Russie n’était pas fâchée d’avoir une cause de guerre contre les Turcs précisément en ce moment-là ; elle se serait contentée d’un prétexte. Deux événemens très graves, la destruction des janissaires (15 juin 1826) et la destruction de la flotte égyptienne à Navarin (20 octobre 1827), avaient ébranlé les forces de l’empire ottoman. Les réformes de Mahmoud n’avaient pas encore porté leurs fruits, et, pour ne parler que du système militaire, l’armée nouvelle n’était point organisée.

C’est le 26 avril 1828 que la Russie déclara la guerre à la Turquie. L’extrême modération du manifeste du tsar fit ressortir plus vivement les violences de langage auxquelles se livra le sultan. Mahmoud jetait l’injure à toutes les puissances chrétiennes, surtout à l’Angleterre et à la France, qui avaient signé le protocole de Londres en faveur des Grecs et pris part à la bataille de Navarin. Toutes ces circonstances réunies favorisaient singulièrement la politique russe. Le tsar pourtant n’eut pas à se féliciter du début de la guerre. L’armée, qui sous le commandement du comte Wittgenstein avait franchi le Pruth le 7 mai, perdit un temps précieux dans les principautés roumaines. Le tsar était au quartier-général avec un brillant entourage d’hommes d’état et de ministres étrangers ; on eût dit une expédition diplomatique. L’Europe surveillait l’adversaire de la monarchie ottomane, et de là peut-être les lenteurs de sa marche. Ajoutez à ces causes de retard l’insuffisance militaire du général en chef. Les Russes ne passèrent le Danube qu’au bout d’un mois, comme s’ils voulaient laisser aux Turcs le temps de rassembler toutes leurs forces. Ils prirent ensuite plusieurs des petites forteresses qui défendent le fleuve ; mais, arrêtés devant Silistrie et Schumla, ils y essuyèrent des pertes considérables. Leur gain unique dans cette campagne fut la prise de Varna, qui, attaquée par terre et par mer, se rendit le 14 octobre avec une garnison de 7,000 hommes ; il est vrai que la garnison était commandée par un traître, Joussouf-Pacha, et que l’or des Russes en cette