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nation, comme toutes les autres qui pourront lui être faites par ladite députation, pourvu qu’elles ne soient pas en opposition avec les devoirs qui incombent aux sujets de l’empire ottoman. La Sublime-Porte communiquera à la cour impériale de Russie tout ce qu’elle aura fait pour l’exécution de l’article 8 du traité de Bucharest, ainsi que le firman décoré du hatti-chérif qui consacrera les privilèges précités.

« A cet effet, nous, soussignés, plénipotentiaires de l’empereur et padischah de toutes les Russies, en vertu de souverains pleins pouvoirs, et d’accord avec les plénipotentiaires musulmans, nous avons fixe et déterminé les conditions ci-dessus mentionnées relativement aux affaires de la nation serbe, en conséquence de l’article 5 de la convention signée en huit articles à Akermann par nous et les plénipotentiaires ottomans pour la garantie et la confirmation du traité de Bucharest. »


Les plénipotentiaires russes qui avaient signé cette stipulation en faveur des Serbes étaient M. de Ribeaupierre et M. de Voronzof. Trois semaines après, le 14 octobre 1826, le tsar Nicolas ratifiait la convention, et bientôt un courrier du cabinet de Saint-Pétersbourg portait à Milosch la nouvelle officielle de ce qui avait été conclu à Akermann. La joie publique fut immense. Le prince s’empressa de réunir l’assemblée nationale pour lui faire part d’un résultat si heureux. C’était en même temps une occasion de justifier sa dictature et d’apaiser les partis.hostiles. Ne devait-il pas des explications à son peuple ? La skouptchina eut lieu le 15 janvier 1827 dans l’église de Kragoujevatz. Les hauts dignitaires du clergé, l’évêque d’Ouschitzé, plusieurs archimandrites et archiprêtres, les knèzes des provinces et des districts, les kmètes principaux, un grand nombre de députés élus par le peuple, emplissaient la vaste nef. Après le service divin, Milosch prit place sur une espèce de trône. Il avait composé et dicté une allocution en vue de la solennité ; comme il ne savait pas lire, ce fut son secrétaire Dimitri Davidovitch qui en donna lecture à l’assemblée. Le document est digne d’attention. Rien de plus curieux que ce mélange de formes parlementaires et de familiarité rustique, de hauteur et de candeur. Le prince sait ce qu’il a fait de grand, et il en parle avec fierté ; il sait aussi que de plaintes il a soulevées, et, se justifiant d’après les nécessités de la situation, il promet naïvement un avenir meilleur à ses sujets. Un des écrivains qui nous ont conservé ce discours, M. Fedor Possart, dont les récits ont quelque chose de la simplicité des chroniques, nous a transmis en même temps les impressions de l’assemblée[1]. Nous avons là toute une séance, une séance solennelle et populaire des skouptchinas de la nouvelle Serbie.

  1. Das Leben des Fürsten Milosch und seine Kriege, nach serbischén original Quellen bearbeitet, von P. A. Fedor Possart, 1 vol. ; Stuttgart 1838.