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pouvait partir pour Madrid, rien ne s’y opposait, la route était encore libre devant elle ; seulement, et c’était ici le sentiment de tous ceux qui s’intéressaient encore à l’avenir de sa couronne et de sa dynastie, c’était l’avis du général Concha, sinon une condition expresse posée par lui, Isabelle II devait revenir à Madrid seule, sans un entourage compromettant, surtout sans son intendant, un de ces personnages qui fleurissent tout exprès pour orner les décadences monarchiques, sur qui semblent se résoudre les orages de tout un passé. Voilà ce qui révoltait la reine. Elle ne voulait en vérité rien entendre, comme si M. Marfori eût été la monarchie. Un des hommes que le général Concha avait compté faire entrer au ministère avec lui, M. Alejandro Castro, se trouvant à Zaraus, non loin de Saint-Sébastien, se rendait auprès de la reine ; lui aussi, il l’engageait à partir, mais à partir seule ; Isabelle lui répondit brusquement, à ce qu’il paraît, qu’elle n’avait pas besoin de conseils. — « Alors, reprit le ministre en expectative, votre majesté n’a pas besoin de conseillers, et je puis retourner à Zaraus. » Cédant à un instinct de fierté, la souveraine espagnole ne voulait pas avoir l’air de confirmer les rumeurs publiques en se courbant devant elles et en partant seule, comme si elle ne les confirmait pas tout aussi bien en restant. Cela voulait dire qu’après l’heure des difficultés l’heure des impossibilités arrivait. Isabelle II ne se croyait pas encore en cette extrémité ; elle espérait sortir de cette crise comme elle avait fait d’autres fois, et elle ne voyait pas même le changement de sa fortune dans la froideur des visages. « Que veut-on de moi ? disait-elle à un personnage qui venait de Madrid ; je ne puis pourtant pas céder devant des rebelles, je ne puis leur accorder ce qu’ils, demandent. — Votre majesté se fait illusion, répliqua l’interlocuteur avec franchise ; les rebelles ne lui demandent plus rien, ils ne lui demandent que de s’en aller. »

C’était caractériser d’un mot une situation que les événemens seuls pouvaient dénouer, et ces événemens, c’est en Andalousie qu’ils pouvaient éclater d’une heure à l’autre. Ce qui se passait dans le reste de l’Espagne n’avait pour le moment qu’une importance secondaire. Calonge reprenait Santander de vive force sans que cela décidât rien. Pezuela promettait de contenir la Catalogne ; il le pouvait, il avait assez de troupes fidèles pour ne pas craindre de simples bandes. En Andalousie seulement, il y avait une armée sérieuse commandée par des chefs exercés et attendant à la hauteur de Cordoue le marquis de Novaliches, qui s’avançait à sa rencontre. Si Pavia gagnait une victoire, on n’était pas au bout sans doute, la reine elle-même avait peu de chances de garder sa couronne ; mais la dynastie pouvait peut-être se sauver par quelque transaction. Si