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d’autres officiers plus jeunes, plus ardens et ayant à leur tour l’ambition d’arriver. Par leurs opinions, par leurs relations, comme par leur passé, ces chefs de l’union libérale touchaient à tout, principalement à l’armée, sur laquelle ils avaient une grande influence, à une partie de la bourgeoisie, qui s’était montrée favorable à la politique d’O’Donnell, au libéralisme conservateur, et déjà, sans être encore de ceux qui conspiraient formellement, ils étaient eux-mêmes par leurs prévisions ou par leurs ressentimens sur le chemin de la révolution. La question était donc avant tout de rapprocher, de fondre ces hostilités diverses dans une action commune. C’est à nouer cette alliance que s’employaient pendant l’été de 1868 quelques progressistes modérés servant d’intermédiaires entre Londres, Paris et Madrid, c’est-à-dire entre Prim, Olozaga d’un côté, et de l’autre Serrano, Dulce. Une négociation véritable s’engageait et se poursuivait durant, quelque temps. C’était déjà beaucoup qu’on en vînt à discuter ensemble les préliminaires d’une insurrection.

Un récit publié depuis sur la campagne de l’armée révolutionnaire d’Andalousie, et attribué au général Izquierdo, prouve que celui-ci et bien d’autres avec lui n’ignoraient pas ce qui se passait. Avant de partir vers la fin de juin pour Séville, où le gouvernement l’envoyait prendre un commandement, Izquierdo allait voir le duc de La Torre, les généraux Dulce et Cordova. Ces deux derniers l’entretenaient de l’état du pays, et de confidence en confidence ils allaient jusqu’à lui désigner les généraux, les régimens, les bataillons qui avaient promis leur concours à un soulèvement Izquierdo les écoutait, et, sans s’informer ni du jour ni de l’heure, demandant simplement qu’on évitât toute communication avec lui, il promettait à son tour aux deux généraux d’être auprès d’eux lorsqu’un mouvement national éclaterait. Il partait ainsi pour Séville, où il trouvait les chefs de la garnison calmes, disciplinés, mais prêts à se lever au premier signal. Et voilà certes un gouvernement qui commençait à être bien défendu !

Ce n’était pas seulement d’ailleurs dans l’armée de terre que le mouvement pénétrait peu à peu. Sans que personne pût soupçonner encore la profondeur du mal, et pour la première fois en Espagne, la marine elle-même était déjà ébranlée. On aurait dit que le gouvernement de Madrid, accoutumé à voir l’armée de mer demeurer passive dans les agitations politiques, ne prenait nul souci ni de ses opinions, ni de ses intérêts, ni même de son amour-propre. Sous prétexte d’économies dans le budget et de réformes administratives, il avait jeté le trouble dans les services de la flotte, ce qui avait été un grief violemment ressenti. Chose plus grave, depuis quelque temps le ministère de la marine était livré à des