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métropole ? Au premier aspect, rien de plus juste ; à la réflexion, la question est moins simple qu’elle ne le paraît. Le droit de représentation dans nos chambres suppose une assimilation complète ; mais cette assimilation n’existe pas encore. Tout cela est un embarras, et il est bien vrai aussi, comme le disait M. le ministre de la marine, que les colonies anglaises ne sont pas représentées au parlement de Londres ; mais les colonies anglaises interviennent dans l’administration de leurs intérêts, elles ont des représentations locales. Ici c’est sans doute un autre grave embarras pour organiser ces représentations dans nos colonies. Peut-on appliquer dès ce moment le suffrage universel ? peut-on se contenter d’un suffrage plus ou moins restreint qui risquerait de faire revivre les démarcations entre les classes ? C’est une difficulté, nous le reconnaissons, ce n’est pas une impossibilité. La question de l’esclavage était bien autrement insoluble, elle a été pourtant résolue, et ce grand bienfait de la civilisation au profit des noirs ne peut pas impliquer une subordination indéfinie des blancs à un régime discrétionnaire. Il ne peut pas en résulter que nos colonies restent plus longtemps exclues de nos assemblées. Ce qui nous frappe, c’est cette nécessité éclatant partout à la fois de faire rentrer la liberté dans notre vieille machine. Le mouvement commencé en France se poursuit jusque dans nos possessions d’outremer, et quand M. l’amiral Rigault de Genouilly, qui n’a montré du reste aucun parti-pris, signalait l’autre jour ce que la présence de députés des colonies dans le corps législatif aurait d’étrange, puisque les grandes questions coloniales sont tranchées par le sénat, quand il parlait ainsi, il complétait à son insu cette démonstration qui se poursuit sous toutes les formes en faveur d’un progrès nouveau dans nos institutions politiques ; il agissait un peu comme M. Rouher intervenant dans une question de règlement sans en avoir tout à fait le droit, puisqu’il n’est pas encore député, quoiqu’il ait toute sorte de titres à le devenir ; il laissait voir ce qui manque et ce qui resterait à faire.

L’Europe, disions-nous, en est encore aujourd’hui à savoir quelle sera l’issue définitive du conflit oriental, ou en d’autres termes quel accueil doit faire la Grèce à la résolution de la conférence que le jeune comte Walewski a été chargé de porter à Athènes. Le gouvernement hellénique, il est vrai, est sous la pression d’une vive excitation nationale produite par la rupture avec la Turquie, et en fin de compte on ne peut nier qu’il créerait à l’Europe autant qu’à lui-même de grands et cruels embarras, s’il refusait d’accepter l’arrêt de la diplomatie. C’est pour cela justement qu’il est difficile de croire à un refus définitif, et que la réponse grecque est attendue sans trop de fièvre.

Il y a d’ailleurs pour l’Europe d’autres affaires qui, sans avoir ce même caractère d’une question de politique générale, sont assurément de nature à soulever plus d’un problème. Que fera l’Espagne ? Comment va-t-elle sortir de la crise où elle est engagée depuis quatre mois ? L’Espagne