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être mis à la charge de la population de Saint-Denis ou du moins d’une partie de cette population, le commencement de pillage du collège des jésuites et la tentative dirigée contre l’établissement de la Providence. Ces deux faits, ne l’oublions pas, se sont passés dans la soirée du 30 novembre. Si, ce soir-là, la répression avait été un peu plus rude qu’elle ne l’a été, si dans la chaleur de la lutte quelques malheurs étaient survenus, on aurait pu le regretter, mais on n’aurait pas eu le droit de blâmer l’autorité. Tout au contraire, l’autorité a été douce, indulgente, pendant la soirée du 30 novembre ; elle n’est devenue terrible que quarante-huit heures après, en présence de faits beaucoup moins graves. Que s’était-il donc passé dans l’intervalle ? Le voici. Dès le 1er décembre, M. Paul de Villèle avait adressé au gouverneur une lettre dans laquelle il l’accusait hautement de n’avoir pas pris des mesures suffisamment énergiques en présence des événemens de la veille. Le 2 décembre au matin, il écrivait une seconde lettre conçue dans le même sens, mais rédigée en termes plus vifs encore : le gouverneur était menacé de voir sa conduite dénoncée au gouvernement impérial par M. de Villèle et ses amis. Ces deux lettres ont-elles exercé une certaine influence sur l’esprit de M. le contre-amiral Dupré ? NOUS l’ignorons. D’un autre côté, dans l’après-midi du 1er décembre, M. Laserve, l’un des rédacteurs du Journal du Commerce et l’un des chefs de l’opposition avancée dans la colonie, avait provoqué, avec l’autorisation du procureur-général intérimaire, une réunion d’environ 1,500 personnes dans le local de la Société ouvrière et industrielle de Saint-Denis. La réunion avait émis un certain nombre de vœux qui avaient été transmis au gouverneur par l’intermédiaire d’une députation à la tête de laquelle était placé M. Laserve. Cette manifestation était à coup sûr plus régulière et plus pacifique que celles qui avaient eu lieu les jours précédens, le gouverneur le reconnaît lui-même dans son rapport. C’est cependant à dater de ce moment qu’il commence à se troubler et à prendre des mesures incohérentes qui doivent aboutir, en fin de compte, à un lamentable dénoûment.

Il existe dans les colonies, depuis de longues années déjà, une institution qui a rendu à diverses époques de précieux services : c’est la milice, sorte de garde nationale mobile. La milice de la Réunion a longtemps été un corps excellent, composé de tout ce qu’il y avait de plus honorable et de plus solide dans la population coloniale. Sous la révolution et le premier empire, c’est elle qui a été presque exclusivement chargée de la garde et de la défense de la colonie, vu l’insuffisance de la garnison. En 1810, lors de la prise de l’île, 1,200 miliciens, appuyés seulement par 250