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dans les arbres deux choses : d’un côté les élémens essentiels de l’organisme de la plante, de l’autre les matériaux de remplissage qui établissent la solidarité des diverses parties qui la composent, et consolident l’édifice végétal à mesure qu’il s’élève. Telles sont la cellulose, qui forme la trame de toutes les cellules, et la matière ligneuse, qui vient graduellement s’y incruster. La cellulose et la matière ligneuse occupent beaucoup plus de place que les corpuscules contenus dans les cavités des utricules, dans les vaisseaux séveux, dans toutes les parties de l’arbre où s’accomplissent les fonctions de la vie végétale. Comme elles ne contiennent pas d’azote, la plante entière a l’air, si on l’analyse en bloc, d’en renfermer fort peu ; mais ce n’est pas en bloc qu’il faut l’analyser. Il faut nettement distinguer les organes proprement dits des parties qui peuvent être regardées comme des additions non indispensables ! Si l’on veut des résultats concluans, il est nécessaire de ne considérer dans un végétal que les portions où se concentre avec le plus d’énergie l’activité organique, les bourgeons, les spongioles des racines, ou bien les cryptogames qui composent la levure de bière, et qui, sous leur petit volume, ont une vitalité extraordinaire.

On fut mis sur la trace de cette vérité par les recherches que provoqua un fait assez singulier, et qui mérite d’être rapporté ici. Sur un terrain primitivement couvert de chênes qu’on avait abattus et débités sur place à la hache et à la scie, on ne pouvait plus faire pousser d’arbres. Ils périssaient peu de temps après avoir été plantés. Après bien des hypothèses provoquées par cet accident imprévu, on s’aperçut que les écorces, les copeaux et les sciures des anciens chênes avaient été laissés sur le sol, et que l’eau de la pluie, en les détrempant, se chargeait de tannin. Pénétrant ensuite dans le terrain, qui était argilo-siliceux et lui permettait un facile accès, elle arrivait jusqu’aux spongioles terminales des racines, et les rendait impropres à s’assimiler les élémens nutritifs que ces spongioles pompent incessamment dans la terre. En se combinant avec le tannin, la matière qui les forme était-comme frappée d’inertie. C’est précisément l’effet que le tannin exerce sur les tissus animaux azotés, et c’est en raison de cette propriété que cette substance est employée pour assurer la conservation des peaux. Il y avait là un rapprochement qu’une analyse plus attentive ne tarda point à confirmer ; puis on constata de même que tous les végétaux naissans, que la partie centrale et blanchâtre des jeunes bourgeons, que les plantes qui croissent à l’abri de la lumière, contiennent presqu’autant d’azote que le tissu musculaire. Cette proportion de substance azotée analogue à l’albumine est de 44 pour 400 dans les morilles, de 52 pour 100 dans les champignons de couche, de 31 dans les truffes noires, de 62 dans la levure, de 66 dans les