Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/715

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moisissures, dont on ne se défie point assez, et qui sont parfois des poisons énergiques, peuvent devenir pour lui une occasion de perte aussi bien que de danger. Dans ces derniers temps, l’étude des cryptogames a pris un intérêt saisissant ; l’apparition ou la multiplication désastreuse de certaines espèces a désolé la plupart des industries agricoles. Cette étude a pour but de montrer ce que l’observation est parvenue à nous apprendre sur ces divers points.


I

On a longtemps pensé, on pensait encore dans le premier tiers de ce siècle, qu’il existait au point de vue chimique une différence tranchée entre les tissus animaux et les tissus végétaux. « La composition chimique des végétaux, écrivait Cuvier en 1812, est plus simple que celle des animaux. Leurs élémens prochains ne se réduisent guère qu’en oxygène et en deux substances combustibles, le carbone et l’hydrogène ; l’azote y est rare, et le phosphore encore plus… Les substances des animaux contiennent toujours de l’azote et très souvent du phosphore[1]. » De Mirbel pensait de même. « Le carbone, l’hydrogène, l’oxygène et quelquefois l’azote forment la base des substances végétales, » disait-il dans ses Élémens de Botanique imprimés en 1815. Tout en signalant de nombreuses et remarquables analogies entre la nutrition animale et l’assimilation végétale, de Candolle restait fidèle en 1832 aux opinions de ses devanciers en ce qui concerne la composition élémentaire des sucs nourriciers dans les deux règnes. Ces sucs étaient pour lui le sang chez les animaux, et chez les végétaux des matières gommeuses qui « semblent n’être que de l’eau condensée et du carbone. » Cela revenait à dire que l’azote ne joue qu’un rôle des plus secondaires dans la formation des végétaux. On ne tarda point à s’apercevoir au contraire qu’il y jouait un rôle fort important, ainsi que le soufre, le phosphore et les substances minérales qui entrent dans la charpente osseuse et les tissus des animaux. En réalité, tous les corps organisés admettent les mêmes principes, et au point de vue chimique ne diffèrent que par les proportions variables dans lesquelles un assez petit nombre de corps simples s’y trouvent combinés entre eux. Plusieurs considérations empruntées à l’histoire naturelle générale, mais qui n’ont pris que depuis cette découverte toute leur autorité, auraient pu faire prévoir ce résultat. Il est même assez facile aujourd’hui de se rendre compte des causes qui avaient amené les savans les plus considérables à se prononcer à peu près unanimement pour l’opinion contraire. Il y a

  1. Dictionnaire des Sciences médicales, article Animal.