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bles de lèse-majesté, et comme tels condamnés en masse à la mort; mais les exceptions arrivèrent l’une après l’autre, et le duc, s’adoucissant peu à peu, finit par ne plus comprendre dans sa terrible déclaration que les principaux d’entre les bannis, ceux-là mêmes qui avaient fui les premiers aux montagnes. Le but de cette mesure était de séparer leur cause de celle du peuple. Le résultat fut tout l’opposé de celui qu’on attendait, et la guerre continua. La réformation n’était pas restée les bras croisés depuis le commencement de la lutte. Des encouragemens moraux et des secours matériels arrivaient chaque jour de l’Angleterre, de la Hollande, de l’Allemagne et de la Suisse protestante aux persécutés de la cause vaudoise, tandis que sur la cour persécutrice pleuvaient les énergiques représentations diplomatiques. A Cromwell, mort en 1658, avait succédé dans la protection du protestantisme opprimé Frédéric-Guillaume de Hohenzollern, dit le grand-électeur, le véritable fondateur de cette monarchie qui domine aujourd’hui le centre de l’Europe. Il avait entendu des bords de la Sprée le cri de douleur de l’Israël des Alpes, et par une note en latin du 17 mars 1662 il s’était efforcé d’émouvoir la pitié de Charles-Emmanuel II. « Nous avons appris, lui écrit-il, les souffrances et les malheurs de vos sujets qui habitent les vallées du Piémont, et qui ont la même religion que nous. Il nous a été rapporté qu’ils sont écrasés d’impôts exceptionnels, qu’on leur interdit l’industrie et le commerce, que leurs pasteurs sont condamnés à mort et les principaux d’entre eux bannis de leur pays. » Il supplie le duc de rendre à ce peuple la liberté de religion, garantie par les édits des princes de sa maison, et que lui-même à confirmée récemment par les patentes de grâce de Pignerol. Cette première note n’ayant point fait cesser la persécution, il en écrit une seconde à la date du 15 décembre 1663. Pour amener le duc à une politique de tolérance, il lui propose en exemple la conduite qu’il tient à l’égard de la minorité catholique de ses états. L’exemple des Hohenzollern en cette matière est en effet digne d’attention. Maîtres d’un pays en majorité protestant, protestans eux-mêmes et très attachés aux principes de la réforme, ils se sont néanmoins bien gardés de proscrire la religion de la minorité. La Prusse est peut-être de toutes les nations la seule qui n’ait point connu la proscription en matière religieuse. Grâce à cette politique inspirée par l’équité naturelle et la raison, ce pays est devenu le reluge du protestantisme rejeté des autres nations tout en ne perdant aucun des élémens de la population catholique qu’il contenait, et ses plaines arides, ses vastes landes désertes, se sont ainsi chargées d’une population serrée qui dicte aujourd’hui des lois à l’Allemagne entière. Dans sa réponse, également en latin, le duc