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notre absence, vous eût été écrit et mandé ne vouloir en façon quelconque procéder au fait du sieur de Berquin, naguère détenu prisonnier, jusqu’à ce que nous puissions être de retour en cettui notre royaume, vous avez ce néanmoins, à la requête et poursuite de ses malveillans, tellement procédé en son affaire que vous en êtes venus à sentence définitive. De quoi nous ne pouvons trop émerveiller... À cette cause... nous voulons et vous mandons et très expressément enjoignons... que vous n’ayez à procéder à l’exécution de ladite sentence, que vous pouvez avoir, comme dit est, donnée à l’encontre dudit Berquin, mais le mettiez lui, les informations et procédure de son dit procès, en si bonne sûreté que vous nous en puissiez répondre;... et gardez qu’en cela ne faites faute, car nous vous avisons, si faute y a, que nous nous en prendrons à ceux de vous que bon nous semblera pour nous en répondre. »


La lettre royale est cette fois une lettre-patente, et les derniers mots de cette lettre sont, on le voit, une menace. Quand François menaçait, il avait toujours le ton plein d’arrogance. En rien, on le sait, il ne connaissait la mesure; mais il avait autant de légèreté que d’emportement. Avec un roi de ce caractère, on devait se montrer prêt à faire toutes les concessions et se bien garder d’en faire aucune; il fallait plier pour ne pas rompre. Après l’orage, cet inconstant relevait lui-même ceux qu’il avait prosternés. Le 7 avril, ayant reçu la lettre du roi, le parlement charge d’y répondre le président Antoine Le Viste avec les conseillers Jean Prévost, Jean Violle et Nicole Le Cocq. Le 9, la réponse est lue. Le roi, s’il a lieu de se plaindre, manque de justice, dit l’habile réponse, envers ses plus fidèles, ses plus zélés serviteurs. En effet, la régente ayant prié le pape d’intervenir et d’arrêter « la pestiféré contagion de l’hérésie luthérienne, » le pape a lui-même fait choix de notables personnes auxquelles il a donné commission de poursuivre les coupables. C’est devant ce tribunal qu’a paru Louis de Berquin : le parlement n’a fait que prêter à ce tribunal, comme il convenait, le ministère du bras séculier. Puisque le roi lui commande aujourd’hui de différer l’exécution de la sentence rendue, le parlement obéit : par un acte de soumission respectueuse, il suspend l’affaire, il interrompt le cours de la justice; mais, si la régente a pu réclamer l’intervention du pape, si le pape, sollicité par la régente, a pu constituer des vicaires avec le mandat exprès de rechercher et de juger les hérétiques, la sentence prononcée contre Berquin est légale, et le parlement attend du roi l’ordre de l’exécuter. Pour conclure, le parlement fait remarquer que des crimes semblables à celui de Berquin ne peuvent rester impunis. Comme l’enseignent, dit-il, les deux Testamens. Dieu sévit toujours en sa juste colère contre les nations qui