Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/468

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Luther, si hautes sont les dignités que plusieurs de ces gens occupent dans l’église même. Les circonstances, dit la cour, exigent que le pape institue des vicaires en France, des délégués qui procèdent en son nom, qui jugent en son nom même les archevêques, les évêques et les abbés qui par leurs actions, leurs écrits, leurs discours, se seront rendus suspects de quelque penchant pour l’hérésie.

La régente Louise de Savoie n’avait de zèle ni pour ni contre la religion. D’ailleurs, nullement ambitieuse de jouer un rôle, mais dévouée tendrement à son fils, elle s’imposait comme première loi de l’imiter. C’était donc vainement qu’on réclamait d’elle un prisonnier que François avait fait libre :: elle ne pouvait le rendre et ne le rendit pas; mais, pour complaire en quelque chose au parlement, elle commit la faute d’écrire au pape la lettre qu’on lui avait demandée, et ce fut l’origine de grands troubles. Ayant donc reçu la lettre de la régente, Jules de Médicis, nouveau pape sous le nom de Clément VII, s’empresse d’établir le tribunal extraordinaire dont on attend des merveilles. La bulle d’institution est du 20 mai 1525. Sont nommés délégués du pape quatre personnages d’une ardeur éprouvée que le parlement avait lui-même, dès le 20 mars, désignés à l’évêque de Paris comme devant être ses suppléans dans l’enquête ouverte contre les hérétiques : Jacques de La Barde, prévôt de l’église du Puy et conseiller au parlement de Paris, André Verjus, prévôt de l’église de Paris et conseiller au même parlement, Guillaume Duchesne et Nicolas Leclerc, docteurs en théologie. Ils dénonceront les suspects au parlement, qui donnera l’ordre de les saisir. Les suspects saisis seront ensuite livrés aux quatre vicaires, qui les jugeront. Jugés et condamnés, ils seront abandonnés au bras séculier. C’est ainsi que l’on procédera, simplement et vivement, sans appel d’aucune sorte. De si formidables périls menacent la foi de la France!

Bientôt, le 12 juillet 1525, le parlement envoie devant les délégués du pape Gérard de Hecquefort, frère prêcheur. Étrange vicissitude de la fortune, étrange dérision de la justice! le premier des suspects signalés par les délégués, le premier de ces hérétiques qu’ils auront à juger, c’est un dominicain, un religieux de cet ordre qui fournissait autrefois par privilège les inquisiteurs de toute hérésie. Après ce dominicain comparaît Pierre Caroli, docteur en théologie, et quelques jours après sont arrêtés ses illustres collègues Gérard Roussel et Jacques Lefebvre d’Étaples. La faculté de théologie de l’université de Paris, qui, la veille encore, donnait tant de gages de la plus fervente orthodoxie, est elle-même devenue suspecte, et l’on ne peut trop se hâter de la décimer.

Cette nouvelle fureur de poursuivre se donnant, ainsi qu’on le