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au milieu de ces graves circonstances le soin de la défense publique lui laisse un moment de loisir, il l’emploie, l’église tout à coup intervenant, à entendre des discours et à rédiger des arrêts contre les hérétiques. Si les Allemands sont entrés en Bourgogne, les Espagnols en Guienne et les Anglais en Picardie, c’est aux hérétiques, s’écrie l’église, qu’on doit l’attribuer, et l’avocat du roi, Pierre Lizet, répète : « Il faut dire à la régente ce que saint Grégoire disait à Brunehaut, reine des Francs, que le meilleur moyen pour chasser les ennemis du royaume est d’en chasser les ennemis de Dieu et de son épouse l’église[1]. » Il y a dans le parlement, n’en doutons pas, plus d’un homme de sens que de tels discours révoltent; mais personne n’ose les contredire, et c’est aux discours comme ceux de Lizet que la multitude applaudit au dehors.

Après le désastre de Pavie, le roi étant détenu prisonnier hors du royaume, les prétentions du parlement s’élevèrent encore. La régente s’en plaignit, mais sa plainte fut presque vaine. Si cet accroissement peu durable de la puissance parlementaire profita sous beaucoup de rapports à la France, il fut très dommageable aux particuliers qu’une instruction supérieure à celle de la foule et une certaine liberté de jugement avaient plus ou moins séparés de l’église établie. La persécution qu’ils eurent à subir fut en effet de plus en plus cruelle. Le 10 avril 1525, envoyant à la régente certains articles qu’il l’exhorte à prendre pour règle de conduite, le parlement lui recommande plus vivement qu’il ne l’avait fait encore la constante recherche des hérétiques. C’est l’article principal de toute la remontrance et le plus développé. La cour ajoute, parlant de ce qu’elle a fait elle-même pour anéantir la secte maudite : « Elle a par ci-devant donné plusieurs provisions contre les coupables, lesquelles n’ont été exécutées pour malice du temps et empêchemens pratiqués par les délinquans, qui ont trouvé moyen d’assoupir et mettre en délai les jugemens faits contre eux, tant par évocations au grand-conseil que par prise et transport d’aucuns d’eux lors prisonniers, qu’ils ont fait tirer des prisons par puissance souveraine et absolue, qui a donné occasion et audace aux autres de suivre la mauvaise doctrine... » Ainsi la cour reproche durement au roi d’avoir sauvé Berquin, et déclare que l’impunité triomphante de ce grand coupable a été pour d’autres pervers un déplorable encouragement. Combien nous conviendrait mieux en d’autres cas cette dureté de langage! Enfin la cour prie la régente d’écrire au pape et de lui dire que les tribunaux ordinaires de l’église n’ont pas assez d’autorité pour oser poursuivre tous les fauteurs ou complices de Martin

  1. Chambre du conseil, séance du 9 juin 1525.