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munes co-propriétaires ne tirent pas un égal avantage du domaine collectif. Rien de plus évident, je le reconnais; mais ne sont-ce pas là des conséquences qu’implique le primitif établissement de la propriété? La situation a-t-elle donc été changée? Non certes; on ne peut rien contre la nature des choses. La rivière coule pour tout le monde, et quand on est près de ses bords, on jouit plus facilement des avantages qu’elle présente. Il pourrait du reste se trouver dans le droit de tourbage un moyen d’équitable compensation, pourvu qu’il fût très modéré. La question est assez généralement entendue de cette façon dans les différentes communes. La ville de Saint-Nazaire, qui serait certes l’une des plus favorisées par le partage, et qui est dès à présent l’une de celles à qui la propriété collective profite le moins, a donné un exemple excellent. Elle a su se montrer équitable et conciliante. Ville d’avenir dont la population est infailliblement appelée à s’accroître, elle a consenti à ce qu’une date fût fixée pour déterminer le droit de chaque commune d’après le nombre de ses habitans. L’année 1866 a été admise comme base invariable. La fortune de Saint-Nazaire tient effectivement à d’autres conditions, dont beaucoup dépendent de la cité elle-même, et les moyens tirés du partage n’équivaudraient pas certainement pour le lendemain à l’avantage d’avoir été juste dans l’exercice de son droit.

Quoi qu’on fasse dans la Brière, dès qu’il s’agit du moindre travail de dessèchement, même le plus utile à l’exploitation actuelle, on ne saurait, en présence des vives susceptibilités des masses, prendre trop de soin pour éclairer préalablement l’opinion. Un exemple que fournit le pays même témoigne assez de l’importance de ces précautions préliminaires. On n’a qu’à rappeler ce qui eut lieu jadis lors du dessèchement des marais de Donges, aussi étendus que la Grande-Brière, à un septième près, et qui n’en sont séparés que par le Brivet. Décidée en principe avant la révolution de 1789, longtemps suspendue, l’opération ne s’est terminée qu’en 1830. Les marais de Donges se prêtaient infiniment mieux à l’opération que la Grande-Brière elle-même. Beaucoup moins productifs, ils restaient plus humides l’été, ils étaient fiévreux; ils contenaient une multitude de sangsues dont il était alors impossible de tirer parti, et qui tourmentaient affreusement les bestiaux qu’on y menait paître. Et pourtant, faute d’avoir été présentée à la population sous des couleurs assez rassurantes, l’affaire devint une cause d’intarissables difficultés. La compagnie à laquelle, par suite d’une regrettable inspiration, on avait attribué la moitié des terrains pour prix de son concours, eut non-seulement des procès sans nombre, mais elle fut encore en butte à des violences et à des voies de fait. Vainement la société primitive s’était effacée derrière une autre à