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HISTOIRE DES SCIENCES

vous ne se vivifient point, s’ils ne meurent d’abord[1] ? » C’est ainsi que l’Évangile selon saint Jean dit encore : « Si la graine du froment ne meurt après qu’on l’a jeté dans la terre, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit[2]. » Saint Thomas avait dit de son côté en termes formels : Primum in generatione est ultimum in corruptione, la génération commence là où la corruption finit. Les hétérogénistes du temps s’appuyaient donc sur le texte sacré pour soutenir que la pourriture est la condition de la vie, et que la corruption donne naissance aux végétaux et aux animaux. C’est contre ces assertions que s’élevait Voltaire, toujours heureux de mettre l’Écriture et les docteurs en contradiction avec les faits. Il est certain que le grain de blé mis en terre ne pourrit ni ne meurt ; il germe et se développe. De même les débris organiques peuvent fournir un milieu favorable au développement des êtres vivans ; mais il faut que des germes viennent s’y placer pour que la vie s’y produise. Telle est du moins l’opinion à laquelle se rattache aujourd’hui la grande majorité des savans, et Voltaire la défendait de son temps en s’appuyant sur les expériences de Spallanzani.

Spallanzani, professeur à l’université de Pavie, avait en effet repris les expériences de Needham, et en avait tiré des conclusions contraires. Il enfermait, lui aussi, dans des ballons de verre des matières capables de se putréfier ; mais il montrait qu’aucune apparence de vie ne se manifestait, si l’on avait eu soin de chauffer préalablement les infusions jusqu’à la température nécessaire pour détruire les germes. — Ainsi, disait-il, il est évident que toute vie vient des germes, et quand je prends soin de les tuer, les infusions sont stériles. — Elles le seraient à moins, répliquait Needham ; vous commencez par détruire à l’aide du feu les conditions mêmes où la vie est possible ; il n’est pas étonnant dès lors que vous ne voyiez apparaître aucun être vivant. Ce ne sont pas les germes que vous avez tués, c’est l’air de vos ballons que vous avez rendu mortel. — Spallanzani, pour répondre à cet argument, cherchait à se passer du feu : il essayait de filtrer l’air introduit dans les récipiens et d’empêcher mécaniquement l’entrée des germes ; il reproduisait ainsi dans des conditions nouvelles de précision et d’exactitude l’ancienne expérience du médecin florentin Redi, qui avait montré qu’on empêchait une viande de se putréfier en la recouvrant d’une gaze très fine ; mais ses procédés d’expérimentation n’étaient pas assez parfaits pour qu’il pût arriver à des résultats décisifs. Comme on le voit, la controverse entre les hétérogénistes ou partisans de

  1. Première épître aux Corinthiens, ch. XV, versets 35 et 36.
  2. Évangile selon saint Jean, ch. XII, verset 24.