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HISTOIRE DES SCIENCES

Ainsi se forma une petite croûte, pâteuse au début, puis solide ; ce fut la première terre, celle que les hommes cultivaient avant le déluge ; elle était légère, très fertile, unie sur toute la surface, sans montagnes ni inégalités. Le globe ne demeura que seize siècles dans cet état. Peu à peu la chaleur du soleil dessécha la croûte solide, de telle sorte qu’elle se fendilla de toutes parts, et un certain jour elle s’effondra dans les eaux sur lesquelles elle était placée. Voilà, suivant Burnet, la cause du déluge universel. Les débris de la croûte rompue vinrent s’entasser en certains endroits de façon à former nos continens actuels avec leurs inégalités et leurs montagnes. Quelques fragmens isolés ont constitué les îles et les écueils. Quant aux mers actuelles, c’est ce qui reste de l’ancien abîme ; une partie des eaux s’est dérobée dans les cavités du noyau intérieur. Telle était la Théorie sacrée de la terre, qui parut d’abord en latin en 1681, puis en anglais en 1690.

Dans cette théorie, Burnet négligeait un fait important, capital, et sur lequel l’attention des savans était cependant appelée depuis quelque temps : c’est que l’on rencontre des débris d’animaux marins dans des terrains situés à une grande distance de la mer et au sein même des roches les plus dures. Comment ces dépouilles marines peuvent-elles se trouver au milieu des continens, et comment se trouvent-elles d’ailleurs dans des couches superposées les unes aux autres et de nature différente ? Ce sont ces phénomènes que Woodward essaya d’expliquer à sa manière. Il supposa qu’à l’époque du déluge les lois qui règlent la cohésion des molécules avaient subi des modifications surnaturelles ; les particules solides du globe terrestre s’étaient ainsi détachées jusqu’à un certain point les unes des autres, et avaient pu être pénétrées par les eaux qui montaient du fond des abîmes ; il en était résulté une pâte molle dans laquelle les hôtes des mers avaient enfoncé et où ils s’étaient arrêtés. Cette hypothèse servait à expliquer comment tant de débris d’animaux avaient pu, dans une période très courte, c’est-à-dire pendant le temps du déluge, s’accumuler à des profondeurs diverses en dépôts réguliers. Woodward en effet avait regardé les faits de très près, et, si sa théorie est bizarre, ses observations géologiques ne sont pas sans valeur. Il a constaté que toutes les matières qui composent le sol en Angleterre, depuis la surface jusqu’aux plus grandes profondeurs que l’on a pu atteindre, sont disposées par couches plus ou moins régulières, et que, dans un certain nombre seulement de ces couches il y a des coquilles et des restes d’animaux marins ; il s’est assuré ensuite par ses correspondans et ses amis que dans tous les autres pays la terre est composée de même, et qu’on y trouve des coquilles non-seulement dans les