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même égalité de pesanteur existe dans tous les systèmes de satellites, et Newton s’en assura pour la lune ainsi que pour les satellites de Jupiter.

C’est par l’attraction lunaire qu’il commença la vérification de sa théorie. Il s’agissait de déterminer si la force qui dévie sans cesse la lune vers la terre est identique à la pesanteur terrestre. Dans ce cas, les actions de ces forces rapportées au centre de la terre devaient être dans le rapport du rayon terrestre pris pour unité au carré de la distance qui sépare les deux astres. Newton entreprit cette vérification en partant des expériences de Galilée sur les corps graves; mais on n’avait alors qu’une mesure grossièrement inexacte du rayon terrestre. Newton s’en tint à l’estime erronée des pilotes, qui comptaient 60 milles d’Angleterre, c’est-à-dire 20 lieues de France, pour 1 degré de latitude, tandis qu’il fallait compter environ 70 milles; il arriva donc, au bout de son calcul, à un résultat qui était en désaccord avec son hypothèse. Persuadé dès lors que des forces inconnues s’ajoutaient à la pesanteur lunaire, il renonça pour un temps à ses idées. Quelques années plus tard, en 1677, notre Académie des Sciences chargea l’astronome Picard de mesurer à nouveau un degré du méridien, et, une nouvelle mesure du rayon terrestre étant résultée de ce travail, Newton reprit ses recherches. Cette fois il trouva que la lune était retenue dans son orbite par le seul pouvoir de la gravité. La vue de ce résultat, dont il avait désespéré, lui causa, au dire de ses biographes, une si vive excitation qu’il ne put vérifier son calcul, et qu’il dut confier ce soin à un ami. Ainsi une même loi, une loi unique et grandiose, expliquait tous les mouvemens des corps à la surface des planètes et ceux des astres dans l’espace.

Voltaire indique ainsi avec une grande netteté la route qu’a suivie Newton pour s’élever à un principe qui embrasse l’ensemble de l’univers; il fait voir comment s’est opérée cette grande synthèse, la plus puissante que l’esprit humain ait encore faite. Une fois en possession du principe de l’attraction, Newton en tira de brillantes conséquences. Il montra comment la terre, par suite de la rotation, a dû s’aplatir vers les pôles, et il détermina la mesure suivant laquelle doivent varier les degrés du méridien. Il vit comment les actions du soleil et de la lune font naître et entretiennent dans l’océan les oscillations qui en constituent le flux et le reflux. Il analysa enfin le phénomène de la précession des équinoxes, et montra qu’il s’explique naturellement par le renflement de la terre à l’équateur et l’inclinaison de l’axe terrestre sur l’écliptique. L’ensemble du rendement terrestre, tout ce qui forme la partie extra-sphérique, peut être considéré, pour la facilité de la démonstra-