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encore fait parler de lui, il ne manque plus : c’est l’infant don Henri, le frère du dernier roi. Il est vrai que l’infant don Henri, pour peu qu’on l’en pressât, se contenterait d’être le Washington de l’Espagne !

De qui n’a-t-on pas parlé pour ce malheureux trône espagnol ? Le roi dom Fernando de Portugal a repoussé toute idée de ce genre, et les Portugais ont prouvé leur enthousiasme pour la fusion ibérique en célébrant l’autre jour l’anniversaire de la révolution de 1640, qui les sépara de l’Espagne. On a mis en avant le nom du prince de Carignan. Nous ne croyons nullement qu’il ait été consulté d’abord, et nous doutons encore plus qu’il eût accepté. Tout compte fait, il ne reste de vrais et sérieux candidats pour une royauté libérale que le duc de Montpensier ou le prince des Asturies avec une régence, à moins qu’on ne préfère l’infant don Carlos, qui est tout prêt, ou la république, qui ramènera infailliblement dans un temps donné à quelque monarchie de hasard. Notez que toutes ces incertitudes de l’opinion monarchique espagnole se retrouvent dans le gouvernement lui-même, où tous les candidats ont leurs partisans. Au milieu de ces bruyantes divisions cependant il y a un homme qui se tient immobile et silencieux, c’est le général Prim. Il s’est prononcé tout d’abord et l’un des premiers, il est vrai, pour la royauté ; mais depuis quelque temps il se tait. Soit qu’il ait son choix fait d’avance, soit qu’il ait été frappé des progrès apparens du parti républicain, et que cela lui ait donné à réfléchir, il devient un personnage indéchiffrable. Se ménage-t-il quelque transition vers la république ? Il y a des observateurs attentifs qui le croient, et qui ne doutent pas, bien entendu, qu’il ne soit le dictateur de la république. Le plus triste symptôme de l’état de l’Espagne, c’est que tout soit possible, et ce qu’il y a de plus redoutable à travers tout cela, c’est la possibilité, la probabilité de la guerre civile. On l’annonce déjà presque à jour fixe ; on en est à se demander si elle n’éclatera pas avant la réunion des certes constituantes. Assurément dans une telle situation ce ne serait pas trop de l’intervention de tous les esprits libéraux. Il y en a qui ne désertent pas le combat, et de ce nombre est le comte de San-Luis, qui vient de publier à Madrid, sous le titre de Cuestion preliminar, un manifeste aux électeurs. C’est un vaincu du dernier régime, il ne le cache pas ; c’est dans tous les cas le partisan d’une monarchie libérale, et les opinions qu’il exprime sont des idées de bon sens et de modération en dehors desquelles l’Espagne ne peut guère trouver que des agitations indéfinies. L’Italie, quant à elle, n’en est plus pour le moment aux grandes agitations, aux coups de théâtre ou même aux émotions un peu vives. Il y a un an, elle était dans la fièvre où venait de la plonger l’aventure étourdie et désastreuse qui allait aboutir au combat de Mentana et à la seconde occupation de Rome par la France. Aujourd’hui elle est revenue au calme ; elle a passé des mois à s’occuper de cette œuvre laborieuse du rétablissement des finances. Nous ne voulons pas dire que ces événe-