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gée de se résigner à donner quelques satisfactions à la Turquie, dont il est difficile de contester les griefs et les droits. Diplomatiquement, la querelle sera assoupie. En définitive, le problème ne restera pas moins entier avec tous ses élémens discordans et confus, qui s’agitent des Balkans à l’archipel.

Le malheur de ces populations orientales ou plutôt de ceux qui les conduisent, c’est de ne pas comprendre parfaitement leur rôle, de troubler quelquefois l’Europe quand elle ne veut pas être troublée, et de ne pas prendre toujours surtout les meilleurs moyens pour intéresser à leur sort. On vient d’en avoir un exemple presque grotesque. Ne s’est-on pas avisé à Bucharest de voter une somme de 200,000 francs « pour missions diplomatiques et pour la presse étrangère ? » Ainsi voilà les envoyés roumains partant avec quelques milliers de francs dans leur valise pour conquérir les journaux de l’Europe ! C’est un peu valaque, il faut en convenir, et de nature à encourager singulièrement les sympathies qu’on pourrait avoir pour la Roumanie. Et ce qu’il y a de plus curieux dans cet aveu passablement cynique, c’est que ceux qui ont ainsi de l’argent de reste ont cru peut-être faire une chose toute simple !

C’est au milieu des incertitudes ravivées par le conflit turco-grec qu’une petite révolution ministérielle est venue nous surprendre en France comme préliminaire d’une campagne politique qui recommence, et qui reprendra toute son activité dans les chambres, convoquées pour le 18 janvier. C’est là pour aujourd’hui notre seule campagne d’hiver. M. de La Valette a été appelé au ministère des affaires étrangères comme successeur de M. de Moustier. M. Pinard est remplacé au ministère de l’intérieur par M. de Forcade La Roquette, qui cède lui-même le ministère des travaux publics et de l’agriculture à un membre du corps législatif, M. Gressier. On avait parlé, il y a quelque temps, de la possibilité de ces changemens ; puis on n’en avait plus parlé, et c’est lorsqu’on avait presque cessé de s’en occuper, selon l’habitude, qu’ils ont éclaté ; c’est le fruit des méditations de Compiègne. Chose curieuse, voici deux pays, l’Angleterre et la France, où des changemens ministériels se sont accomplis presque simultanément. M. Gladstone a pris le pouvoir des mains de M. Disraeli. Qui donc en Angleterre a pu avoir un doute sur le sens de cette évolution politique ? Ce sens, il était d’avance et ostensiblement déterminé, expliqué, commenté par les débats des chambres, par les élections, et le dernier discours de M. Gladstone pour sa réélection à Greenwich ne fait que le confirmer. En France, il serait vraiment plus difficile de définir au juste la signification des derniers changemens, et ce serait même sans doute une méprise que de s’exagérer cette signification. Tout ce qu’on peut faire, c’est d’entrevoir un symptôme dans le nom, les opinions ou les antécédans des hommes, et sous ce rapport les nouveaux ministres n’ont rien que de rassurant. M. de La Valette porte au ministère des affaires étrangères des traditions d’esprit et de libéra-