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s’est établi comme de lui-même dès le début, et maintenu à travers les âges. L’identité des conditions d’existence premières, la simplicité organique originelle, rendent compte d’une manière plausible du petit nombre des types primordiaux, règnes et embranchemens. La complication croissante des organismes ressort comme une conséquence forcée de ces premiers changemens et de la lutte pour l’existence. De la filiation ininterrompue des espèces et des deux lois de divergence et de continuité, il résulte non moins impérieusement que tout type réalisé dans ses traits généraux ne saurait désormais s’effacer d’une manière absolue dans aucun de ses représentans, que ses dérivés les plus éloignés en conservent toujours l’empreinte fondamentale et ne sauraient passer à un autre. C’est là un fait important. Telliamed admet la transformation individuelle des poissons en oiseaux ; Lamarck fait descendre ces derniers des reptiles ; de pareilles déviations sont impossibles dans les idées de Darwin. Eût-il acquis le vol de l’aigle, tout animal qui compterait un poisson ou un reptile bien caractérisé parmi ses ancêtres ne pourrait jamais être l’allié même des canards ou des pingouins ; il resterait attaché à l’une ou à l’autre des classes inférieures des vertébrés. Pour retrouver l’origine des trois types, il faudrait remonter jusqu’à un ancêtre commun dont l’organisme encore indécis ne réalisait ni l’un ni l’autre. Cette conséquence directe des observations sur lesquelles repose toute la doctrine darwinienne pourrait être appelée la loi de caractérisation permanente. Elle a été parfois oubliée par quelques-uns des plus fervens disciples du savant anglais, et pourtant la supprimer, ce serait ôter à sa doctrine un de ses étais les plus puissans, car elle peut seule résoudre une foule de questions que soulève l’étude générale des êtres organisés dans le présent aussi bien que dans le passé ; seule elle peut donner jusqu’à un certain point une explication de l’ordre admirable du monde organique. Ce principe enlevé, toute cause de coordination disparaîtrait, et il faudrait admettre que les transformations, livrées à tant de causes d’écart, n’ont produit que par un pur hasard ce tout harmonieux qu’étudient les naturalistes, qu’admirent les penseurs.

À l’époque où Lamarck écrivait sa Philosophie zoologique, il était à la rigueur excusable de méconnaître les problèmes posés par la paléontologie naissante. Il ne saurait en être de même aujourd’hui que les faunes éteintes nous sont connues au moins dans ce qu’elles ont de général. Toute doctrine de la nature de celles que nous examinons ici doit avant tout nous donner la clé de ce passé. Or, à voir les choses en bloc et au premier coup d’œil, celle de Darwin semble satisfaire à cette condition d’une manière remarquable. Depuis longtemps, les paléontologistes ont admis que la création animée a été en se perfectionnant des anciens temps jus-