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tière, toutes les résolutions qu’il voulait proposer au concile. Avec eux, il se sentait parfaitement à son aise pour concerter sans réticence tous les moyens qu’il croyait les plus propres à triompher de l’opposition de leurs collègues. A côté ou plutôt en face de ces complaisans prélats, dont le nombre était assez restreint, il rencontrait la masse presque entière des évêques accourus du fond des provinces de France ou des contrées situées de l’autre côté des Alpes. Ces évêques étaient animés d’un immense désir de conciliation, résignés à faire, pour procurer la paix à l’église, tous les sacrifices qui ne seraient pas incompatibles avec leur conscience. Leur admiration pour le grand homme qui gouvernait la France était si grande, leur assurance dans la sagesse de ses vues était si entière, et leur foi dans la puissance de son génie était demeurée si inébranlable, qu’ils étaient arrivés à Paris avec l’intime conviction que tout avait été à peu près arrangé d’avance à Savone, et qu’au saint-père comme à eux-mêmes il ne serait demandé aucune concession contraire soit à leur foi, soit à leur dignité. Tel était l’heureux mirage que le ministre des cultes, parlant au nom de son maître, avait tout à coup fait disparaître. A peine les malheureux prélats avaient-ils pu en croire leurs oreilles. Une troupe de pèlerins entendant pour la première fois dans le désert le rugissement du lion n’aurait pas été plus terrifiée. Que vouloir maintenant, que faire et que devenir? A la sécurité trop ingénue des premiers jours succédait aujourd’hui une défiance démesurément effarée. Tout haut on se promettait bien de tenir toujours pour la bonne cause et d’accomplir jusqu’au bout son devoir; tout bas on se demandait si l’on en aurait bien la force. A mi-chemin entre les prélats de cour, prêts à tout faire, et la majorité du concile, si mécontente, mais si épouvantée, on voyait errer le président du concile, ballotté entre ses préférences ultramontaines et ses inclinations dynastiques, sans crédit sur son neveu, sans influence sur ses collègues, tout plein de bonne volonté, d’agitations, de vues contradictoires, et n’aboutissant jamais dans son impétueuse vivacité qu’à embrouiller toutes choses par manque de bon sens, de mesure et de tact.

D’un pareil état de choses que pouvait-il sortir du côté des opposans, sinon le désordre, la confusion, et finalement l’impuissance? Pour l’empereur au contraire, que d’avantages! Et comment ne se serait-il pas flatté de triompher sans trop de peine, ou du moins sans être obligé de recourir à des violences trop manifestes? Le croirait-on? son espoir fut trompé, et le jour vint où, pour avoir raison d’adversaires si faibles, si timides, si inexpérimentés, si profondément découragés qu’à l’avance ils se sentaient vaincus, le chef de l’empire se vit réduit à ressaisir ses armes naturelles, la menace, l’emprisonnement et l’exil. La nécessité l’y poussait presque autant