Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

violent accès de colère contre le cardinal Fesch, qui, au sortir de la cérémonie, fut mandé à Saint-Cloud et traité par son neveu avec la dernière dureté. « Il n’en faisait jamais d’autres, c’était uniquement sa faute. Quelle sottise de sa part de n’avoir rien prévu! Il était doublement coupable. Ou bien il avait lu le manuscrit de M. de Boulogne, et alors comment avait-il fermé les yeux sur tant de passages aussi incendiaires? La France n’avait-elle pas assez souffert des troubles, des divisions, de l’anarchie? Était-il donc besoin d’attiser à nouveau le feu des discordes civiles? Ou bien, s’il ne l’avait pas lu, comment avait-il osé en répondre?... Il fallait avoir le courage de dire la vérité lorsque je vous ai interrogé. Si occupé que je fusse, j’aurais trouvé le temps de lire moi-même ce discours, car vous savez jusqu’où va mon scrupule pour ces sortes de publications. Aussi la responsabilité en retombe tout entière sur vous. » Le cardinal, sincèrement attaché à l’évêque de Troyes, qui était de sa plus intime familiarité, s’efforça de le tirer d’affaire en se montrant plus généreux que véridique, et rejeta sur les hasards d’une soudaine improvisation ce qu’il y avait eu de trop véhément dans certains passages de son discours[1]. » Cette explication du cardinal ne calma qu’à demi l’empereur. Il avait un autre grief non moins sensible à produire. « Cette ridicule cérémonie de la prestation du serment avait-elle aussi été improvisée? et n’était-ce pas lui, le président du concile, qui l’avait traîtreusement imaginée? » Il avait ce serment plus que tout le reste sur le cœur[2] ! Le cardinal s’excusa en alléguant l’usage traditionnel de l’église. Qu’importaient à l’empereur les usages de l’église? Moins confiant que jamais en son oncle, il se promit de tout surveiller dorénavant par lui-même et de prendre bientôt une éclatante revanche contre le concile.

A la fin de la session du 17 juin, dont nous venons de rendre compte, les prélats avaient décidé de se réunir le surlendemain en congrégation générale dans l’une des salles de l’archevêché. Ils étaient de plus convenus que la seconde session aurait lieu le jour de la Saint-Pierre afin de lire solennellement du haut de la chaire de Notre-Dame les décrets du concile; mais cette seconde session n’eut point lieu, les affaires s’étant bientôt tellement brouillées qu’il n’y eut jamais de décrets à publier[3]. Le mercredi 19 juin à dix heures

  1. Vie du cardinal Fesch, par l’abbé Lyonnet.
  2. « J’ai toujours sur le cœur ce serment prêté au pape qui me paraît fort intempestif. Faites des recherches pour connaître ce que veut dire ce serment, et comment les parlemens voyaient cela. Ayez soin de ne rien laisser imprimer que je ne l’aie vu... » — L’empereur au comte Bigot de Préameneu, Saint-Cloud, 20 juin 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII.
  3. Journal du concile de M. de Broglie, évêque de Gand, tenu depuis le 17 juin jusqu’au 11 juillet 1811, jour de son arrestation. — Relation manuscrite du concile national de 1811, trouvée dans les papiers de M. de Broglie, évêque de Gand.