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nail et sans pilote. Oui, quelques vicissitudes qu’éprouve le siège de Pierre, quels que soient l’état et la condition de son auguste successeur, toujours nous tiendrons à lui par les liens du respect et de la révérence filiale. Ce siège pourra être déplacé, il ne pourra être détruit. On pourra lui ôter de sa splendeur, on ne pourra pas lui ôter de sa force. Partout où ce siège sera, là tous les autres se réuniront. Partout où ce siège se transportera, tous les catholiques le suivront, parce que partout où il se fixera, là sera la tige de la succession, le centre du gouvernement et le dépôt sacré des traditions apostoliques. Tels sont nos sentimens invariables, que nous proclamons aujourd’hui à la face de l’univers, à la face de toutes nos églises, dont nous portons en ce moment les vœux et dont nous attestons la foi à la face des saints autels et au milieu de cette basilique où nos pères assemblés vinrent plus d’une fois cimenter la paix de l’église et apaiser par leur sagesse des troubles et des différends, hélas! trop ressemblans à ceux qui nous occupent aujourd’hui[1]... »

Cette profession de foi, prononcée d’une voix grave et retentissante, avait jeté dans l’assemblée entière une indicible émotion. L’effet en durait encore lorsque M. Duvoisin, évêque de Nantes, monta en chaire à son tour pour y lire, comme il avait été convenu entre le cardinal Fesch et l’empereur, le décret d’ouverture du concile et le règlement qui devait présider aux délibérations de l’assemblée. Cette première formalité accomplie, l’évêque de Nantes, suivant un autre usage qui est de tradition dans l’église, alla demander individuellement à chacun de ses collègues, en s’arrêtant devant lui, s’il lui plaisait en effet que le concile fût ouvert. Quand son tour fut venu : « Oui, je le veux, répondit l’archevêque de Bordeaux en inclinant la tête, sauf toutefois l’obéissance due au souverain pontife, obéissance à laquelle je m’engage et que je jure. » Une sorte de frémissement se communiqua aux membres du concile quand ils entendirent ces paroles prononcées par M. d’Aviau d’une voix très ferme. Ce n’était encore là qu’une manifestation isolée. Bientôt tous les regards se tournèrent du côté du président du concile, qui, suivi des prêtres officians, se dirigeait vers une espèce d’estrade en forme de trône qui avait été préparée pour lui au milieu même du chœur. Là, se mettant lentement à genoux et plaçant la main droite sur le livre des Évangiles, que ses aumôniers tenaient ouvert devant lui, le cardinal Fesch se mit à prononcer à très haute voix la formule d’un serment prescrit par une ancienne bulle du pape Pie IV. Ce serment renfermait la profession de foi la plus expresse en faveur des droits du saint-siège. « Je recon-

  1. Œuvres complètes de M. de Boulogne, évêque de Troyes.