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lorsqu’ils l’entendirent reproduire intégralement la plupart des passages retranchés dans la copie remise à l’empereur ! En des temps ordinaires, sous un gouvernement libre ou seulement modéré, les paroles que nous allons citer n’auraient paru à personne outre-passer les droits de la chaire; mais c’est le signe particulier des époques où l’autorité fait une guerre acharnée à l’expression des idées indépendantes que les plus inoffensives, quand elle n’en peut arrêter le cours, produisent dans le silence universel un effet démesuré. Toute l’assistance était comme suspendue aux lèvres de M. de Boulogne, lorsque vers la fin de son discours, après l’éloge indispensable de Bossuet, avec une émotion visiblement partagée par tous les membres du concile, il se mit à traiter d’une façon générale, mais vive et saisissante, les questions brûlantes qui faisaient alors l’objet de toutes les préoccupations. « Ne peut-il pas y avoir des craintes tellement fondées, des dangers si imminens, des circonstances si hasardées, que l’église de France ne puisse toute seule aviser aux moyens de se sauver elle-même en sauvant son épiscopat? Mais quelle est cette planche qui s’offre à elle pour échapper au naufrage dont elle est menacée? Jusqu’où peut s’étendre la loi des tempéramens? jusqu’où peut-on s’avancer? où doit-on s’arrêter? quelle application peut-on faire des règles anciennes aux difficultés actuelles, et de l’histoire du passé aux conjonctures du présent? comment peut-on céder à l’empire des circonstances sans faire plier les principes? et enfin quelles sont les mesures que suggèrent ici ou la prudence ou le courage, ou la modération ou le zèle, pour faire dans ces grandes occurrences ce qui convient le mieux à l’état ou à l’église?... Voilà, messeigneurs, les hautes questions qui sont offertes à vos lumières, et sur lesquelles vous aurez à prononcer devant l’Europe, qui vous observe, devant l’église, qui vous écoute, devant la postérité, qui nous attend; mais quelle que soit l’issue de vos délibérations, quel que soit le parti que l’intérêt de nos églises pourra nous suggérer, jamais nous n’abandonnerons ces principes immuables qui nous attachent à l’unité, à cette pierre angulaire, à cette clé de la voûte sans laquelle tout l’édifice s’écroulerait sur lui-même. Jamais nous ne nous détacherons de ces premiers anneaux sans lesquels tous les autres se dérouleraient, et ne laisseraient plus rien que confusion, anarchie et ruine. Jamais nous n’oublierons tout ce que nous devons de respect et d’amour à cette église romaine qui nous a engendrés en Jésus-Christ, et qui nous a nourris du lait de la doctrine, à cette chaire auguste que les pères appellent la citadelle de la vérité, et à ce chef suprême de l’épiscopat sans lequel tout l’épiscopat se détruirait lui-même et ne ferait plus que languir comme une branche desséchée du tronc, ou s’agiter au gré des flots comme un vaisseau sans gouver-