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bles avec les membres du concile, n’en savait pas lui-même davantage. En 1819, il ignorait encore la nature de la maladie qui avait ébranlé l’esprit de Pie VII à Savone, et les conséquences qui s’en étaient suivies. Dans le chapitre où il parle de la réunion du concile de 1811, on le voit en effet se désoler du silence obstinément gardé par Napoléon vis-à-vis des évêques de son empire, « silence, ajoute l’archevêque nommé de Malines, dont je n’ai jamais réussi à comprendre le principe non plus qu’à obtenir le terme... Si Napoléon avait fait précéder la réunion du concile par la publication successive des actes du pape, des siens propres, des travaux si modérés et si raisonnes de la commission, je suis convaincu que cette communication, préparant les esprits, aurait fait disparaître les fermens qui ont tout gâté[1]. »

Nos lecteurs savent mieux que l’abbé de Pradt pourquoi l’empereur, qui détestait toute publicité en général, aussi bien dans les affaires où la religion était mêlée que dans les affaires politiques, qui avait pris soin d’envelopper de tant de mystère ses rapports avec le chef de la catholicité, était cette fois moins que jamais enclin à laisser rien transpirer du véritable état des choses. Les évêques envoyés à Savone avaient en effet reçu à leur retour à Paris l’ordre péremptoire de se renfermer dans une impénétrable discrétion, et de ne répondre que par les lieux-communs les plus vagues, les phrases les plus évasives, aux questions qui pourraient leur être adressées sur l’issue de la démarche qu’au nom du clergé français ils étaient allés tenter auprès du saint-père. Il importait au plus haut point qu’on ne pût absolument rien conclure, en quelque sens que ce fût, des paroles qui tomberaient de leurs lèvres, et ces prélats les ménagèrent avec tant d’art qu’au sortir des conférences tenues avant la réunion du concile chez le cardinal Fesch aucun de leurs collègues ne put jamais rien apprendre de précis sur le résultat final de leur mission[2].

Cependant le fait seul de la réunion du concile, dont l’ouverture avait été d’abord retardée, et qui fut après quelque hésitation définitivement fixée au 17 juin, avait par lui-même une importante signification. En s’adressant directement aux évêques de son empire pour leur demander de résoudre les questions controversées entre Pie VII et lui, l’empereur établissait formellement que, pour le moment du moins, il considérait comme nul et non avenu l’espèce d’arrangement ébauché avec le pape par les députés envoyés à Savone, et qu’il ne comptait pas, quant à présent, se prévaloir

  1. L’abbé de Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 485-480.
  2. Journal manuscrit de l’abbé de Broglie, évêque de Gand.