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LA SERBIE AU XIXe SIÈCLE.

chitzé[1]. Son père, nommé Tescha, c’est-à-dire Théodore, était un pauvre valet de ferme. La femme de Tescha, veuve d’un assez riche paysan appelé Obren, du village de Brousnitza, avait eu trois enfans de ce premier lit, deux fils et une fille ; mariée en secondes noces au pauvre Tescha, elle lui donna trois fils dont l’aîné fut Milosch ; les deux autres, qu’on retrouvera dans la suite de ce récit, se nommaient Jovan et Éphrem. Milosch était bien jeune encore lorsque son père mourut. Sa mère Vichgna était dans la plus complète indigence, car elle n’avait rien de son premier mari, la fortune d’Obren ayant passé à ses enfans, principalement à l’aîné. Milan Obrenovitch. Milosch et ses deux frères, dès qu’ils furent assez grands pour cela, gagnèrent leur vie en gardant les troupeaux de porcs chez les paysans des environs. Bientôt Milosch entra au service de son demi-frère Milan, fils d’Obren, et il y resta jusqu’à l’insurrection de 1804. Milan, dont la fortune s’était accrue, avait pris un des premiers rangs parmi les Serbes de son district ; Milosch, son bras droit pendant la lutte, profita des pouvoirs que la force des circonstances attribuait à son frère, et y fut tout naturellement associé. Hardi et intelligent comme il était, animé d’un génie inculte qui éclatait en toute occasion, il n’eût point tardé à se faire sa place ; l’autorité de Milan, qui le mettait en relief, abrégea pour lui les épreuves. C’est ainsi qu’en 1811, après la mort de Milan, l’ancien gardeur de porcs se trouva placé au rang des hospodars. Ayant hérité du pouvoir de son frère, pouvoir qu’il avait conquis d’ailleurs par des actions héroïques, il trouva tout naturel aussi de perpétuer le nom qui avait secondé sa fortune. Milosch, fils de Tescha, s’appela donc Milosch, fils d’Obren[2]. Au moment où la fuite de KaraGeorge livre la Serbie aux Turcs, Milosch Obrenovitch n’est encore connu que par son courage ; mais Kara-George aussi et beaucoup de ceux qui se sont sauvés en Autriche étaient des héros d’intrépidité. Si le découragement est partout, si les chefs ont fui, si l’armée n’est plus, que pourra faire Milosch ?

C’est aux premiers jours du mois d’octobre 1813 que se passent ces lamentables scènes. Milosch était au camp de Schabatz sous le commandement du knèze Sina Markovitch ; il allait avec 2 ou 3,000 hommes se porter au-devant de l’ennemi, quand on apprit

  1. Dobrinja est situé à mi-côte des montagnes du sud, au bord d’un cours d’eau qui se jette dans la Morava serbe.
  2. Milosch n’a pas renoncé au nom de son père, le pauvre valet de charrue ; dans ses actes officiels, le nom de Theodorovitch est associé au nom d’Obrenovitch. Quand le vœu national lui décerna le titre de kniaze ou prince des Serbes au mois de novembre 1816, il fut proclamé sous ces deux noms. L’Almanach de Gotha le désigne toujours de cette manière : le prince Milosch Ier Theodorovitch Obrenovitch. C’est bien pourtant le nom d’Obren qui a effacé l’autre ; dans le langage courant comme dans le style de l’histoire, la famille de Milosch est la famille des Obrenovitch.