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au dépourvu, il vit les garnisons des forts éveillées, et la flotte portugaise, composée de 3 vaisseaux et de 2 frégates, en travers de la rade. Il apprit plus tard que le roi d’Angleterre, ayant eu vent de son expédition, avait envoyé un paquebot à Lisbonne, et que le roi de Portugal, n’ayant pas de navire disponible, avait dirigé ce même paquebot sur le Brésil. Favorisé dans sa traversée, il était arrivé quinze jours avant la flotte française. Du Guay-Trouin se consola vite d’un contre-temps qu’il pouvait réparer par son courage. Il donna aussitôt l’ordre à M. de Courserac, qui connaissait un peu l’entrée, de prendre la tête de la ligne avec le Magnanime. MM. de Goyon et de Beauve le suivaient. Du Guay-Trouin se mit au centre avec le Lys. Après lui venaient MM. de La Jaille, de La Moinerie-Miniac et les autres capitaines de l’escadre. De la position qu’il occupait, Du Guay-Trouin dominait ainsi son escadre et la tenait sous son regard. Le goulet de Rio-Janeiro, très resserré et d’un grand quart de lieue moins large que celui de Brest, était défendu des deux côtés : à droite, en s’avançant vers l’intérieur, par le fort Sainte-Croix, de 48 gros canons, par une batterie de 8 pièces et par le fort Notre-Dame-de-bon-Voyage, situé sur une presqu’île et garni de 16 canons ; à gauche, vis-à-vis du fort Sainte-Croix, par le fort Saint-Jean et par deux batteries de 48 pièces, enfin par les forts de Villegagnon, de 20 pièces, en face du fort de Notre-Dame-de-bon-Voyage. Au milieu du goulet, un gros rocher obligeait les navires à passer à portée de fusil des forts. L’escadre, conduite avec habileté par M. de Courserac, soutint avec sang-froid le feu des forts, y riposta de son mieux, puis, les laissant derrière elle, pénétra dans la rade. Les vaisseaux portugais n’osèrent tenir, et, après avoir échangé quelques bordées avec leurs adversaires, allèrent s’échouer sous les batteries de la ville.

La rade de Rio-Janeiro est une des plus belles du monde. La ville est bâtie au fond, en amphithéâtre sur trois montagnes qui la commandent. Ce sont, à partir de la gauche, la montagne des Jésuites, celle de l’Évêque et celle des Bénédictins. Ces trois montagnes étaient reliées entre elles par un grand nombre de batteries et de forts, parmi lesquels ceux de Saint-Sébastien, de 14 pièces, de Saint-Jacques, de 12, de Sainte-Aloysie, de 8. Le bas de la cité était défendu par des redans dont les feux se croisaient, et au pied des Bénédictins par le fort de la Miséricorde, de 18 pièces, qui s’avançait dans la mer. Du côté de la terre, la ville était protégée par un large fossé et un camp retranché où se tenaient 12 ou 15,000 Portugais et noirs. Enfin devant Rio-Janeiro, en face des Bénédictins et dans une formidable position d’avant-garde, est l’île aux Chèvres, sur laquelle était un fort à quatre bastions. Cette île, une