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dernier est naturellement un homme de loi qui reçoit 200 guinées (5,252 francs) pour revoir et corriger au besoin le premier travail des averseers. Son devoir est de rayer de la liste les noms qui n’ont point le droit d’y figurer et d’introduire au contraire ceux qui se trouvent appuyés par des titres valables. Ces magistrats ouvrirent leurs séances presque en même temps dans tous les districts électoraux du royaume. Qu’ils aient jugé en conscience, nul ne prétend le contraire ; ce sont pour la plupart des hommes indépendans et éclairés. Grâce pourtant à certaines ambiguïtés du reform act ou à des manières de voir personnelles, que de points contradictoires dans leurs décisions ! La grande difficulté, tout le monde l’avait prévu, était de statuer sur les réclamations des locataires. En principe, tout Anglais ayant atteint l’âge de vingt et un ans et n’étant frappé d’aucune incapacité légale est électeur et a droit d’être inscrit sur le livre des votans, (pourvu que douze mois avant l’élection il ait occupé à titre de seul locataire le même logement de 4 shillings par semaine (10 livres sterling ou 250 francs par an) dans la même maison. A première vue, cette condition paraît assez simple ; mais il s’en faut de beaucoup qu’il en soit ainsi, et que le fait même de la résidence échappe à mille subtilités judiciaires. Un jeune homme demeurant dans une maison perd son droit d’électeur aux yeux de certains revising barristers parce qu’il dîne le dimanche à la table de son hôte et pendant la soirée retourne au piano les pages du cahier de musique pour obliger la fille du principal locataire : dans ce cas, il est considéré non plus comme un locataire, mais en quelque sorte comme un membre de la famille. Un autre lodger était parfaitement autorisé à donner son avis sur la marche des affaires de l’état, s’il n’eût eu le malheur d’être aimable et de plaire à sa landlady ; le mariage lui enleva l’exercice de ses droits politiques. Je n’en finirais pas, si je racontais tous les incidens bizarres auxquels donna lieu la révision des barristers[1]. Une telle enquête et de telles objections mesquines ont beaucoup contribué à déconsidérer la nouvelle loi électorale. Aussi les libéraux, qui avaient prévu et dénoncé d’avance ces inconvéniens, se proposent-ils de demander à la prochaine session un système de suffrage uniquement fondé sur la condition du domicile. La taxe des pauvres et quelques-unes des autres dispositions tracassières disparaîtront tôt ou tard du reform act de 1867. Quoi qu’il en soit, avant de

  1. La conduite des réclamans prêta d’un autre côté à la plaisanterie. La loi voulait que le locataire donnât le nom, la description et l’adresse du propriétaire ou toute autre personne à laquelle se paie le loyer. » L’un d’eux, prenant le mot description à la lettre, écrivit au revising barrister de Chelsea le portrait du landlord, sa taille, la couleur de ses cheveux, la longueur et la forme de son nez.