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malgré ses bons rapports avec le prince de Metternich, il ne put empêcher l’agrandissement du nouveau canton ; seulement Collonges-Archamp resta savoyard.

Une convention spéciale, le traité de Turin, protégeait ces communes réunies, stipula que la religion catholique y devait être maintenue telle qu’elle était au moment de la cession, que rien n’y pouvait être changé ni dans la circonscription des paroisses ni dans le nombre des prêtres qui les desservaient, que les maîtres d’école et les officiers municipaux y devaient être catholiques au moins pour les deux tiers, qu’aucun temple protestant n’y pouvait être établi, sauf dans la ville de Carouge, que les frais du culte et l’entretien des prêtres seraient à la charge de l’état, que l’église de Saint-Germain à Genève serait conservée, « le curé logé et doté convenablement, » qu’enfin les habitans du territoire cédé auraient les mêmes droits politiques et civils que les autres Genevois, « sauf la réserve des droits de propriété, de cité et de commune. » Telles furent les principales conditions de ce traité, qui devint et qui était encore il y a trois mois, malgré beaucoup d’infractions, la base légale du catholicisme à Genève. Il semble que ces concessions eussent dû satisfaire les catholiques ; il n’en fut rien. Il leur déplaisait que le tiers des magistrats municipaux pût être protestant, qu’un temple réformé fût autorisé à Carouge, que rien ne fût stipulé dans le traité contre le divorce et le mariage civil, que toute ingérence des magistrats dans les affaires de religion ne fût pas expressément prohibée, enfin et surtout qu’on eût réservé certains droits de propriété, de cité et de commune, réserve en apparence insignifiante, mais qui constituait une sorte de majorât en faveur des anciens Genevois. Ceux-ci en effet gardaient pour eux seuls les biens de l’hôpital et de la Société économique, institutions d’utilité publique et de bienfaisance que l’occupation française avait respectées, les regardant comme le patrimoine inaliénable des citoyens. Il y eut donc dans le canton agrandi des frères aînés et des frères cadets, étrange inégalité qui ne devait cesser qu’au mois d’août 1868 ; mais l’article des traités qui affligea le plus l’abbé Vuarin fut celui-ci : « les communes catholiques et la paroisse de Genève continuent à faire partie du diocèse qui régira les provinces du Chablais et du Faucigny, sauf qu’il en soit réglé autrement par l’autorité du saint-siège. » Cette dernière phrase paraissait jetée là respectueusement pour reconnaître le pouvoir du pape ; mais elle permettait de révoquer l’article auquel l’abbé tenait le plus. En restant soumis à un évêque savoyard, il n’aurait eu de compte à rendre à aucune autorité suisse, et il se fût abrité sous l’égide du roi de Sardaigne. Le petit monde catholique eût pu former dans le canton une sorte