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Buffon. Il ne prend en réalité à ce dernier que quelques expressions. À négliger les détails, le système de Lamarck est bien lié d’un bout à l’autre, et il faut reconnaître qu’il rend très suffisamment compte des faits connus il y a soixante ans. Il ne faudrait pas ajouter grand’chose pour comprendre dans cette formule les découvertes modernes ; mais il faudrait en même temps accepter les hypothèses de l’auteur, et nous les examinerons plus tard. Nous croyons dès à présent pouvoir dire que peu de personnes sans doute adopteront l’explication donnée par Lamarck de l’origine des tentacules chez les colimaçons. Cet exemple, très malheureusement choisi par l’auteur, quelques autres de même nature et qui prêtaient à la plaisanterie ont peut-être été cause du peu de retentissement réel qu’ont obtenu les théories de Lamarck. La contradiction, cet élément de succès parfois indispensable, leur fit d’ailleurs défaut, et elles sont restées peu connues en dehors du monde des naturalistes.

Étienne Geoffroy Saint-Hilaire est resté jusqu’à ces derniers temps, même pour beaucoup d’esprits cultivés, le représentant le plus élevé des doctrines qui reposent sur la transmutation de l’espèce ou qui admettent cette transmutation comme une conséquence des faits observés. Cette opinion populaire s’explique en grande partie par l’éclat de la discussion qui s’éleva vers 1830 entre lui et Cuvier, discussion qui émut et partagea toute l’Europe savante. On l’a souvent rapproché de Lamarck, et ces deux grands esprits ont été représentés comme s’étant laissé entraîner par les mêmes rêveries scientifiques. Rien n’est moins juste que ce rapprochement. Il n’existe à peu près aucun rapport entre leurs doctrines. Au point de vue théorique, Geoffroy était essentiellement l’élève de Buffon, et son fils a eu raison de faire ressortir cette filiation intellectuelle. Pour l’auteur de la Philosophie anatomique, l’action du milieu est la cause unique des changemens éprouvés par les organismes ; à ses yeux, Lamarck s’est trompé en admettant que l’animal peut réagir sur lui-même par la volonté et les habitudes. Geoffroy ne fait aucune réserve à ce sujet, et paraît par conséquent regarder les organismes comme passifs au milieu même des transformations qu’ils subissent. Toutefois il développa la pensée de Buffon. Il donna au mot de milieu une signification beaucoup plus large ; il attribua en particulier une importance considérable à la composition chimique de l’atmosphère, une prépondérance marquée aux fonctions respiratoires. « Par l’intervention de la respiration, tout se règle, » dit-il. On reconnaît ici le résultat des progrès accomplis en géologie, en paléontologie, et peut-être l’influence des travaux de M. Adolphe Brongniart sur la flore du terrain houiller. Dans les applications de