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Imaginez une table ronde d’un mètre de diamètre, du bois le plus dur, élevée de quelques centimètres au-dessus du sol et portant deux feuilles opposées de 1m,80 à 2 mètres de longueur, et dont la consistance est celle de fortes lanières de cuir. Couchées sur le sol, elles durent aussi longtemps que le tronc lui-même, c’est-à-dire souvent plusieurs siècles. Ces feuilles sont les cotylédons ou feuilles séminales de la plantes caduques dans toutes les autres, elles persistent dans celle-ci pendant toute la vie de ce végétal, peut-être le plus singulier de la création, le Welwitschia fait partie d’une petite famille, les gnétacées, dont les Ephedra sont les seuls représentans européens, et qui touchent à la fois aux conifères et aux cycadées. Les fleurs et les fruits, semblables à des cônes, se montrent au pourtour du tronc tabulaire que nous ayons décrit. Je ne puis m’empêcher de rapprocher du Welwitschia un végétal également bien extraordinaire des îles Falkland : c’est une ombellifère[1] aux rameaux entrelacés formant une boule de 1 mètre à 1m,30 de diamètre. Quand la plante est sèche, le vent l’arrache et la promène sur ces plages glacées, de même que le simoun des déserts de l’Afrique chasse devant lui la crucifère desséchée connue sous le nom de rose de Jéricho, qui a donné lieu à tant de légendes merveilleuses.

Pour l’étude de la botanique scientifique, les richesses qui ont été accumulées dans ces trois musées en moins de dix-sept ans sont complétées par un magnifique herbier dont ceux de sir William Hooker et de M. Bentham forment la partie principale ; à l’herbier se rattache une bibliothèque qui s’agrandit tous les jours. Cet ensemble de moyens d’instruction et de recherches unique en Europe a fait du village de Kew la capitale de la botanique des deux mondes : aussi le parlement, sachant que l’argent est le nerf du progrès des sciences physiques et naturelles comme celui de la guerre, accorde-t-il tous les ans un crédit de 500,000 francs environ an jardin de Kew[2]. Les législateurs anglais ne pensent pas que cette somme, insignifiante comparée au total du budget de l’empire britannique, soit employée inutilement pour l’instruction du peuple, les progrès de la botanique, de l’horticulture, de l’agriculture et de l’industrie. De leur côté, les savans distingués placés à la tête de ce magnifique établissement utilisent fructueusement ces ressources,

  1. Bolass-globosa.
  2. En 1868, le crédit alloué a été de 408,650 francs. Cette somme représente les frais d’entretien du personnel et du matériel. J’en ai retranché une somme de 16,875 fr., qui figure comme impôts, intérêts, etc. On voit qu’en réalité le parlement accorde annuellement à Kew la somme de 515,525 francs. Le Muséum d’histoire naturelle de Paris, qui réunit toutes les branches des sciences physiques et naturelles, zoologie, botanique, paléontologie, géologie, minéralogie, physique et chimie, a un budget qui pour 1868 est de 678,180 francs seulement.