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étaient très nombreux. Conrad Gessner en compte plus de soixante disséminés en Allemagne, en France et en Hollande.

Pendant le XVIIIe siècle, le goût des jardins était toujours très vif dans les classes supérieures de la société ; mais, on sacrifiait tout à l’agrément : la lutte entre le style français de Le Nôtre et le jardin paysager importé de Chine en Angleterre passionnait les amateurs et les détournait de la recherche et de la culture des végétaux exotiques. La Hollande seule faisait exception à cet égard. En 1736, un riche banquier appelé Clifford mettait à la tête de ses serres de Hartecamp, près Harlem, l’illustre Linné, alors âgé de vingt-huit ans. C’est là que le bananier fleurit pour la première fois en Europe, et le jeune directeur publiait une figure de la plante merveilleuse, puis décrivait[1] toutes celles fui vivaient dans les jardins dont le soin lui avait été confié. En France, le roi Louis XVI donnait un noble exemple : dirigé par Bernard de Jussieu, il plantait dans les jardins du Petit-Trianon une école botanique où les plantes étaient disposées suivant leurs affinités naturelles. Bernard de Jussieu n’a presque rien écrit. La description de cette école nous eût révélé le plan primitif du créateur de la méthode naturelle, dont son neveu et son héritier intellectuel, Laurent de Jussieu, appliqua depuis les principes à l’ensemble du règne végétal. Cette école a disparu sous le premier empire, et le groupe des amentacées, formé d’arbres de haute futaie, épargné grâce à l’aspect pittoresque qu’il présentait, nous indiqué seul la place qu’elle occupait autrefois.

Le jardin royal de Kew est le centre botanique de l’Angleterre, comme le Jardin des plantes de Paris est celui de la France. Il n’a été cependant fondé qu’en 1840 ; mais l’histoire de cet établissement le prédestinait au grand rôle qu’il joue aujourd’hui. Situé à 10 kilomètres de Londres, Kew était dans l’origine une maison de plaisance de Molyneux, secrétaire du roi George II. Molyneux, mathématicien et physicien distingué, descendait de l’un de ces réfugiés français que les persécutions de Louis XIV avaient exilés de leur patrie. C’est avec un instrument construit par Molyneux que Bradley fit les observations qui servirent de base à ses deux immortelles découvertes, l’aberration de la lumière et la nutation de l’axe terrestre. Une inscription gravée sur le piédestal d’un cadran solaire placé par Guillaume TV sur le lieu même où Bradley avait braqué son télescope vers les cieux signale aux amis des sciences ce lieu consacré parle génie. Le prince de Galles fils de George II et père de George III acquit Kew house et l’entoura de jardins. Sa veuve Augusta, princesse douairière de Galles, agrandit ce domaine,

  1. Hortus Cliffortianus 1737. — Viridarium Cliffortianum, 1737.