Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trente-sept ans. L’idée de la métamorphose des organes végétaux, qui tous ne sont que des feuilles transformées, couvait alors dans sa puissante intelligence pendant que l’image du Tasse et de la cour de Ferrare occupait sa brillante imagination. En entrant dans le jardin de Padoue, un mur couvert des campanules d’un jaune rougeâtre d’un jasmin de Virginie lui sembla tout en feu, et près de là les feuilles simples d’un palmier nain se découpant en feuilles composées furent pour lui une véritable révélation. A sa prière, le jardinier lui coupa des échantillons qui représentaient la série de ces transformations, et en 1832, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, il les contemplait encore avec émotion en écrivant l’histoire de ses études botaniques.

La création du jardin de Padoue détermina la même année ou l’année suivante celle d’un jardin semblable à Pise. L’honneur en revient à Côme de Médicis. Bologne suivit l’exemple de Pise et de Padoue en 1568. Dans le nord, le jardin de Leyde fut fondé par les magistrats de cette ville en 1577, et celui de Leipzig deux ans après. La France ne pouvait rester plus longtemps en arrière : Pierre Richer de Belleval, né à Chalon-sur-Saône en 1558 d’une famille originaire de Picardie, étudiait en médecine à Montpellier. Les services qu’il rendit pendant l’épidémie de Pézenas, suite de la terrible peste de 1580, lui valurent la protection du duc Henri de Montmorency, gouverneur du Languedoc. Sur la demande du connétable et l’avis favorable de Dailleboust, son médecin ordinaire, Henri IV rendit à Vernon en décembre 1593 un édit motivé qui créait dans la faculté de médecine de Montpellier une cinquième régence pour « l’anatomie en temps d’hiver et l’explication des simples et plantes tant étrangères que domestiques le printemps et l’été. » L’édit ajoute que, faute de trouver cet enseignement en France, nombre d’écoliers se décidaient à fréquenter les universités d’Italie. Un second édit daté du même jour ordonnait la création d’un jardin botanique de Montpellier. L’édit fut enregistré par le parlement du Languedoc siégeant à Béziers le 11 mars 1595, et en 1596 le jardin était achevé. C’était le premier en France, et les contemporains en parlent avec admiration. Olivier de Serres, le célèbre agronome, le vit immédiatement après la création, puisque dans son Théâtre d’agriculture, qui fut imprimé pour la première fois en 1600, il le présente comme un modèle à suivre pour un genre d’établissement encore si peu connu.

En 1622, plus de 1,300 espèces prospéraient dans le jardin de Montpellier lorsque Louis XIII vint mettre le siège devant la ville, qui était l’une des places de sûreté des protestans du midi. Tremblant pour ses chères plantes, Richer de Belleval transporte les