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de premier ordre ; c’est par elle que les objets vifent, persistent et se perpétuent.

Le découpage des flans, tel qu’il est exécuté aujourd’hui, par des moyens d’une rapidité vertigineuse, a d’incontestables avantages ; mais il offre un inconvénient réel auquel il serait bien facile de remédier. La lunette de l’emporte-pièce coupe les flans en biseau, de sorte que la tranche, n’étant plus à angle droit avec le champ, prend irrégulièrement sous la presse l’empreinte de la légende. Tous les flans, avant d’être soumis à l’empreinte, devraient être cordonnés, c’est-à-dire qu’on devrait, les exposer à l’action d’une machine qui, relevant les bords de la tranche, leur donnant un contour parfaitement droit, faciliterait ainsi l’imposition exacte des différentes lettres de la légende. Les flans des monnaies de bronze sont cordonnés ; pourquoi ceux qui sont en métal plus précieux ne le seraient-ils pas aussi ? C’est là une économie mal entendue, et dont se ressent la beauté de nos monnaies. On pèse les flans, mais on devrait aussi en essayer la sonorité sur le tas d’acier, afin de n’envoyer aux presses qu’un métal régulier, n’offrant aucune paille intérieure ; ce serait tout bénéfice pour le directeur de la fabrication, qui, réformant lui-même les flans défectueux, n’aurait point à supporter les frais d’un frappage inutile. Ces améliorations viendront à leur jour, il n’en faut pas douter, et nos monnaies ne pourront qu’y gagner ; on comprend que le directeur ait peu de loisirs pour les étudier : la nécessité de fournir au public les pièces indispensables : aux transactions multiples du commerce, est compliquée pour lui, d’une responsabilité incessante qui ne laisse pas d’être redoutable. En effet, les métaux, répartis dans ses divers ateliers sous forme de lingots, de lames de cisailles, de flans, de grenailles, de poussières, s’élèvent parfois à une somme de 12 ou 15 millions dont il doit tenir un compte rigoureux. Il y a là une cause de préoccupation qui explique bien des tâtonnemens et les justifie peut-être.

Aussi on serait injuste de se montrer trop sévère, d’autant plus que les presses de la Monnaie ont depuis quelques années accompli de véritables tours de force, et qu’on ne peut du moins leur reprocher d’avoir manqué d’activité ! Elles ont frappé sans repos ni trêve, car l’exploitation des mines de Californie et d’Australie a jeté sur le monde une quantité prodigieuse de métaux précieux. Un simple rapprochement fera comprendre dans quelle énorme proportion la richesse métallique de notre pays s’est augmentée. De 1726 au 1er prairial an V (20 mai 1797), on a émis en France pour 2,969,803,502 francs de monnaies d’or et d’argent ; sous le second empire, depuis le 1er janvier 1853 jusqu’au 31 décembre 1867, on a frappé en or et en argent une valeur de