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l’acier dur, et peut, violemment frappé contre de l’acier doux, communiquer une empreinte à ce dernier. C’est sur ce principe que repose la fabrication des coins.

L’acier qui doit les former est divisé en cylindres d’une dimension réglementaire ; la surface en est polie de façon qu’on n’y puisse plus reconnaître une aspérité perceptible. Le coin ainsi pré, paré est placé au balancier, dans la boîte duquel le poinçon a été fixé. L’alerte et vigoureuse machine est mise en branle ; les coups sont plus ou moins répétés selon le creux que l’on veut obtenir, et lorsque l’opération est terminée, le poinçon est absolument imprimé dans le coin avec tous les détails, toutes les finesses, toutes les minuties de la gravure. Le coin est alors repris par les ouvriers mécaniciens ; il est mis sur le tour et décolleté, c’est-à-dire qu’on en dégage la partie supérieure de manière à lui donner les dimensions exactement exigées pour le monnayage. Il est ensuite porté dans un atelier spécial où il est paraphé, car, selon qu’il est face ou pile, il reçoit, à l’aide de petits poinçons manœuvres à la main et enfoncés au marteau, la triple empreinte du point secret, de la marque et du différent. On le soumet alors à la chauffe et à la trempe. A son tour, le voilà devenu un corps dur et prêt à donner des empreintes avec autant de facilité que tout à l’heure il en a reçu lui-même. De ce moment et jusqu’au jour où l’usage l’aura mis hors de service, il devient l’objet d’une surveillance attentive. Il reçoit un numéro d’ordre qui constate en quelque sorte son état civil, puis il est remis au commissaire-général des monnaies. Quand ce dernier le confie au contrôleur du monnayage, le récépissé est inscrit et daté sur un registre que signent les deux fonctionnaires ; lorsque le coin, à force de frapper des espèces, est émoussé, que les parties mates sont devenues brillantes par le frottement continuel, que le perlé en est indécis et les chiffres déformés, il est rendu par le contrôleur au commissaire-général, et cette restitution est de nouveau officiellement constatée. Ces précautions peuvent sembler bien minutieuses ; mais, si l’on réfléchit que le coin c’est la monnaie même, on les trouvera toutes naturelles.

Le graveur-général fournit aussi les viroles qui sont nécessaires pour imprimer la tranche des pièces. Quoique d’invention fort ancienne, puisqu’on en retrouve des exemples qui datent de Charles IX, la virole n’a été admise définitivement dans la fabrication que depuis le commencement du siècle. Dans le principe, elle était faite comme un anneau portant sur le contour interne une inscription en relief qu’on imprimait en creux dans la tranche des espèces à l’aide d’un outil brutal, nommé raquette, assez rapide pour permettre à un ouvrier de frapper environ trente mille pièces par jour. En 1829, un