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le fonctionnaire qui a sur les monnaies une action déterminante est-il le graveur-général, puisque c’est lui qui fournit les coins, sans lesquels nulle monnaie ne pourrait être frappée. Depuis que Henri II a créé la charge de « tailleur-général des monnaies de France » pour Marc Béchot, dix-huit graveurs se sont succédé dans ces importantes fonctions. C’est le graveur-général qui fait les poinçons à l’aide desquels on obtient les coins. Plus le poinçon est parfait, moins la contrefaçon est possible. Cette œuvre exige donc un soin tout particulier, des connaissances techniques approfondies et une main rompue aux ressources d’un art hérissé de difficultés. L’acier dont on se sert pour les poinçons et pour les coins est un acier spécial, à la fois très doux et très dense ; il est fourni par la maison Petin-Gaudet, et paraît être supérieur à celui qu’on employait jadis. Il arrive à l’hôtel du quai Conti en barres parfaitement rondes et qu’on appelle acier de monnaie.

Le poinçon est gravé en relief, comme un camée, et au burin ; il en faut naturellement deux, l’un pour la face, l’autre pour le revers ; le premier donne le profil du souverain, le second l’écusson, le millésime et l’énoncé de la valeur de la monnaie ; tous deux portent en outre les lettres des légendes, ainsi que les grènetis et les listeaux qui forment l’encadrement de la pièce. Faire une empreinte irréprochable, c’est là un problème qu’il n’est pas aisé de résoudre. Si, pour être reconnue au premier coup d’œil, elle doit être très simple, très lisible, elle doit cependant être assez compliquée pour offrir aux tentatives de contrefaçon des difficultés nombreuses. Cette double et indispensable condition d’une monnaie qui se fait reconnaître et se défend d’elle-même semble être obtenue aujourd’hui. Après la campagne d’Italie de 1859, où l’empereur a commandé en personne, les poinçons ont dû être changés, et on en a fait alors qui donnent l’effigie de la tête laurée ; le graveur-général a profité de cette circonstance pour modifier le revers de notre monnaie : au lieu de la maigre couronne de laurier se refermant sur le nom de la pièce et sur le millésime, il a disposé le sceptre, la main de justice, la couronne, le manteau, les armes de l’empire, de façon à obtenir un ornement très gracieux, mais très difficile à imiter, et qui remplit harmonieusement les vides. Ce très beau revers rappelle celui des admirables pièces de quarante francs que l’Italie frappa de 1810 à 1815 et qui sont restées comme un modèle monétaire. Dans le poinçon, les parties saillantes et intaillées sont mates, le champ au contraire reste lisse. Lorsque la, gravure est terminée, que l’artiste lui a lentement donné le degré de perfection qu’elle peut comporter, le poinçon est mis au feu, chauffé à la température scientifiquement indiquée, puis jeté dans l’eau et trempé. Dès lors il devient de