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Ménabréa n’a point certes tranché d’autorité ce qu’il ne pouvait pas trancher. Ce qu’il a fait est peu de chose. Il s’est borné à régler définitivement avec le concours de la France le partage de la dette pontificale. Sur le point essentiel, il n’a trouvé aucune solution, quoiqu’il l’ait peut-être cherchée, et en définitive qui aurait trouvé une solution ? Quel moyen l’opposition tient-elle en réserve ? Tant que la France ne se décidera point à quitter Rome, et il y a désormais peu de chances pour qu’elle prenne une décision quelconque avant les élections, la question restera en suspens. On parlera du pouvoir temporel, des aspirations nationales de l’Italie, d’un modus vivendi à trouver, de l’occupation française. On se passionnera, on s’aigrira, et on n’arrivera à rien. C’est là une de ces situations que la force ne peut dénouer, qui s’imposent à l’opposition comme au gouvernement, et le mieux est d’attendre en profitant de cette trêve pour constituer réellement l’Italie, pour lui donner une administration qui lui manque. Malheureusement on ne fait guère à Rome ce qu’il faudrait pour aider à cet apaisement des passions italiennes, et peu d’incidens pouvaient venir plus mal à propos que la double exécution qui vient d’avoir lieu dans la ville même du pape. Les deux condamnés étaient peu intéressans, nous le voulons bien. Ils avaient fait sauter une caserne de zouaves et avaient causé la mort de nombre de soldats pontificaux. Seulement il y a une année de cela, on était alors dans une heure de lutte violente ; aujourd’hui l’animosité du combat est tombée, et la mort des deux condamnés n’ajoute rien à la victoire de Mentana ; elle n’a fait naturellement que réveiller les passions en Italie, si bien que le général Ménabréa lui-même n’a pu se défendre de s’associer à une manifestation qui a éclaté en plein parlement à Florence. Massimo d’Azeglio raconte dans ses Souvenirs une exécution dont il avait été autrefois le témoin à Rome, et il voyait dans ce fait la preuve de l’incompatibilité entre la souveraineté spirituelle et le pouvoir temporel des papes. Les événemens n’ont fait que rendre plus saisissante cette incompatibilité, et le gouvernement du pape a choisi une étrange occasion pour déployer les rigueurs extrêmes de l’autorité temporelle sur ce dernier lambeau de terre qui lui échappera demain.

Un singulier mystère aujourd’hui, c’est ce qui se passe ou ce qui se prépare au-delà des Pyrénées. L’Espagne elle-même ne paraît guère le savoir, et naturellement on le sait encore moins hors de l’Espagne. Toujours est-il que, plus on va, moins on semble approcher d’une solution, et de toutes parts c’est à qui évitera de s’expliquer sur le dernier mot de la révolution. Pour le moment, les partis s’organisent et s’agitent. D’un côté le parti monarchique, composé des chefs de l’union libérale, des progressistes et d’une certaine fraction démocratique ralliée à une royauté élue. Ce parti vient de publier son programme ; il donne le mot d’ordre à ses partisans des provinces, il provoque des manifestations, il multiplie les discours. D’un autre côté le parti républicain se remue plus