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reux ils firent pour tâcher de s’en tirer sans trop de déshonneur. En réalité, il faut le dire, la commission n’avait aucun pouvoir. Napoléon avait eu grand soin d’établir que ses attributions se bornaient à celles d’un simple conseil dont il consentait bien à prendre les avis, mais pour lui seul. Il n’était pas question de rien accepter ni de rien publier qui vînt d’elle. Le chef de l’empire avait désiré s’éclairer; il n’entendait pas se lier, ni surtout s’exposer à recevoir, sous quelque forme que ce fût, d’incommodes remontrances. Ainsi avertis de la modestie du rôle qui leur était assigné, les membres de la commission prirent grand soin d’y conformer scrupuleusement leurs démarches et leur langage. Ce serait se tromper beaucoup et leur faire une injure imméritée que de se représenter des prélats aussi religieux et aussi honorables que MM. de Barral et Duvoisin comme indifférens à la captivité et aux souffrances de Pie VII. Ils en étaient profondément affligés, ils souhaitaient ardemment sa délivrance; mais comment l’obtenir? Là était l’embarras. La demander personnellement et directement, comme un préliminaire indispensable de tout arrangement sérieux, au détenteur du pape, cela était trop compromettant. Ils savaient au surplus, comme nous dit l’un d’eux, que celui-ci aimait à rendre sa proie à peu près autant que l’enfer avare. S’ingérer dans une question aussi délicate, n’était-ce pas le vrai moyen de tout perdre[1]? A leur sens, la cessation des maux du saint-père ne pouvait s’attendre que de la fin de ses contestations avec Napoléon. C’était donc sur ce dernier qu’avant tout il fallait agir. Pour y réussir, il importait de bannir de son esprit tout préjugé défavorable à l’ordre religieux et lui représenter le clergé français non-seulement comme fidèle à sa personne, ce qui était exact, mais comme lui étant encore dévoué, ce qui était un peu exagéré, et comme entièrement rassuré et satisfait, ce qui avait tout à fait cessé d’être vrai. Telles étaient les préoccupations honnêtes sans aucun doute, mais, suivant nous, mal fondées, qui avaient dicté les réponses du comité ecclésiastique et inspiré surtout les protestations enthousiastes et les louanges hyperboliques dont son rapport était rempli. Il avait paru habile à l’archevêque de Tours et aux évêques de Trêves et de Nantes d’énumérer tous les titres du chef de l’empire à la reconnaissance de ses sujets catholiques, de s’identifier absolument, non sans se compromettre beaucoup plus qu’il n’était utile et surtout convenable, avec une politique qu’au fond de leur cœur ils étaient bien loin d’approuver. En cela, les prélats distingués que nous venons de nommer servaient très bien les desseins de l’empereur, mais assez mal les intérêts de leur église. Nous ne sommes pas de ceux qui sont disposés

  1. M. de Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 459-460.