Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/696

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

général Grant ? Seul M. Pendleton était venu en force imposante et réunissait un grand nombre de suffrages ; mais nommer l’ancien copperhead, le partisan de la banqueroute, c’était courir à une défaite certaine, c’était éloigner tous les unionistes, tous les amis des bonnes finances, tous les républicains modérés, qui depuis quelque temps s’étaient rapprochés des démocrates. Les hommes sages et habiles de la convention étaient d’avis d’élire M. Chase, le seul candidat dont le nom pût être opposé à celui du général Grant, le seul qui pût lui ravir quelques voix républicaines. M. Chase, qui est ambitieux et qui s’était brouillé avec les radicaux depuis, le procès du président Johnson, visait toujours à la présidence, et se flattait de pouvoir obtenir cette candidature si disputée ; mais ce radical, ce révolutionnaire, cet inventeur du papier-monnaie, cet émancipateur des noirs, nommé jadis à la cour suprême pour y imposer les doctrines républicaines, si amoureux qu’il fût de la présidence, ne pouvait avoir changé en un jour. Son programme de suffrage universel et amnistie universelle, n’était guère de nature à satisfaire les vrais et les bons démocrates. Comment d’ailleurs faire accepter aux hommes du sud l’ancien ennemi des droits des états, aux démocrates répudiateurs de l’ouest le créateur de la centralisation financière ? La dignité même du parti démocratique lui interdisait de faire un pareil choix. Prendre pour candidat M. Chase à moins de lui imposer une apostasie à laquelle il ne pouvait consentir, c’était abjurer les doctrines démocratiques et donner au parti, le coup de la mort. Il y avait à peine quelques mois, que M. Chase avait été le candidat probable des radicaux avancés, celui dont ils opposaient les convictions inflexibles, au modérantisme et à l’hésitation du général Grant. Si maintenant Chase, le radical, allait se mettre à la tête des démocrates, tandis que Grant, le modéré, devenait le candidat des républicains, les élections ne seraient plus qu’une comédie vaine, et n’auraient plus d’autre but que la possession des places. On ne pouvait donc prendre ni M. Pendleton, ni M. Chase, et il fallait, dans l’embarras, du choix, se reporter sur un homme de second ordre et d’une moindre importance personnelle. Voilà comment la majorité se décida enfin pour M. Seymour, l’ancien gouverneur de l’état de New-York, qui n’avait pas même sollicité cet honneur, et qui feignit longtemps de s’en défendre. On lui adjoignit le général Blair, l’ancien ami du président Lincoln, pour donner un candidat à l’armée. M. Chase n’eut que des remercîmens pour sa conduite dans le procès du président. M. Pendleton s’en retourna dans l’ouest avec son bataillon désappointé, mais prêt à donner un coup de main vigoureux au ticket électoral de Seymour et Blair.

Il était impossible de faire un choix plus malheureux. Le