Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/695

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans leurs rangs. Par le choix populaire du général Grant, par son programme à la fois honnête et prudent, la convention s’assurait le concours de tous ceux qui pendant la guerre avaient sincèrement soutenu la cause de l’Union. Par la probité de sa politique financière et par la force de ses déclarations contre la banqueroute, elle réveillait le sentiment de l’honneur national, toujours si puissant chez les citoyens de la grande république. Par la fermeté enfin et par la modération de son langage, elle dérobait aux démocrates la meilleure partie de leurs moyens d’influence, et elle les mettait dans l’impossibilité de lui répondre sans faire appel à des passions dangereuses et à des doctrines dégradantes pour l’esprit public.

Le parti démocratique était en effet fort embarrassé. Sa convention se réunit à New-York le 7 juillet dans la grande salle de Tamman-Hall. Les hommes du sud y étaient venus en grand nombre, choisis pour la plupart dans la classe des anciens rebelles privés de leurs droits électoraux par les lois de reconstruction du congrès. On remarquait parmi eux MM. Wade-Hampton, Forrest, plusieurs hommes qui avaient joué un grand rôle dans la guerre civile. S’il n’y avait point de nègres dans l’assemblée, on y voyait en revanche une députation féminine venue pour revendiquer les droits du sexe opprimé. M. Pendleton, qui semblait le héros de la réunion, arriva suivi de tout son bataillon d’hommes de l’ouest, tous partisans de la banqueroute et du paiement en papier-monnaie, qui portaient chacun sur la poitrine en signe de reconnaissance un grand morceau de papier imitant un greenback de 5 dollars. Une foule immense se pressait dans les tribunes et dans les rues avoisinantes. Les délégués, au nombre de 630, tous décorés de rubans de couleur, siégeaient en cercle autour de la salle, assis par groupes au pied des bannières qui portaient les noms de leurs états respectifs. A n’en juger que par l’apparence imposante de l’assemblée, on eût dit que l’union, la confiance, la certitude du succès, régnaient dans tous les cœurs, et que la convention de New-York allait renvoyer fièrement son défi à la convention de Chicago.

La différence était grande pourtant. On était loin de l’unanimité extraordinaire avec laquelle les républicains venaient de proclamer la candidature du général Grant. Une candidature sérieuse, c’était justement ce qui manquait aux démocrates. On avait plus de quinze candidats possibles, et aucun dont le succès fût probable. C’étaient MM. Johnson, Pendleton, Church, Packer, English, Doolitle, Parke, Reverdy Johnson, Hendricks, Seymour, Chase, les généraux Hancock, Mac-Clellan, Blair, et bien d’autres encore qui avaient chacun leurs partisans. Tous obtinrent des voix au premier tour ; mais qui choisir dans cette foule pour l’opposer à un concurrent tel quel le