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L’empereur n’avait à redouter aucun ennui de ce genre de la part de M. Duvoisin. Élevé par les jésuites, successivement écolier, puis professeur très distingué à l’ancienne Sorbonne, nommé grand-vicaire à Laon avant la révolution, indiqué au choix de l’empereur par l’abbé Bernier pour remplir le siège épiscopal de Nantes, M. Duvoisin n’était pas seulement un canoniste émérite dont les écrits sur les matières religieuses étaient devenus promptement classiques, c’était aussi un maître dans l’art de persuader et de plaire, et cet art, il le portait partout avec lui. « Judicieux et clair, nous dit l’un de ses collègues, calme et méthodique, il savait donner à toutes les choses qu’il soutenait l’air de la raison; modéré par caractère comme par réflexion, il usait des hommes comme ils sont, sans s’irriter de leurs défauts ni se prévaloir de leurs faiblesses. Aussi bien placé dans le monde que sur sa chaire épiscopale, il avait tellement plu à Napoléon, que celui-ci affectait de redouter presque son ascendant. M. Duvoisin est un de ces évêques, disait-il parfois, qui me ferait faire tout ce qu’il voudrait et peut-être plus que je ne devrais. » Volontiers familier avec les ecclésiastiques, mais connaissant bien son monde, comme le prouvait sa constante réserve à l’égard de l’abbé Émery, jamais l’empereur ne se hasarda non plus à s’émanciper si peu que ce fût avec l’évêque de Nantes. « Souvent même, nous raconte M. de Pradt, au milieu des paroles peu mesurées qui suivaient ses emportemens, il lui est arrivé, s’adressant à M. Duvoisin, de lui dire : Ne croyez pas, monsieur, que ce soit pour vous que je parle[1]. » M. Duvoisin était, comme son collègue M. de Barral, un de ces dignitaires de l’église de France sur lesquels l’empereur savait pouvoir sûrement compter, mais qu’il sentait aussi l’obligation de traiter avec de certains ménagemens qu’il n’accordait pas à tous les autres. Nous en aurons fini avec le personnel de la première, commission ecclésiastique nommée en 1809 par l’empereur quand nous aurons ajouté que les évêques de Trêves, de Verceil et d’Évreux reproduisaient à un degré légèrement inférieur, quoique fort honorables et distingués eux-mêmes, et avec quelque variété dans leurs physionomies et leurs aptitudes individuelles, les traits principaux que nous venons de noter chez MM. de Barral et Duvoisin. L’abbé Fontana, général des barnabites et théologien très renommé en Italie, assista peu, à vrai dire, aux séances du conseil, et, partageant toutes les opinions de l’abbé Émery, ne tarda même pas sous prétexte de maladie à n’y plus paraître du tout. L’importance des questions soumises par l’empereur aux deux commissions ecclésiastiques, la gravité des réponses qu’il en obtint, l’influence qu’ont eue sur le cours des évé-

  1. M. de Pradt, les Quatre Concordats, t. II, chap. XXI.