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nation à l’archevêché de Paris, Maury avait entièrement ruiné de ses propres mains le prestige qui avait jusque-là entouré comme d’une auréole l’éloquent défenseur du clergé à l’ancienne assemblée constituante. Maury avait en effet eu le tort de conserver au milieu d’une société maintenant tout à fait rassise et plutôt démesurément réglée les habitudes de conduite et de langage contractées par lui aux époques les plus troublées de la révolution. La désinvolture de ses façons trop mondaines et la liberté de ses propos trop peu châtiés choquaient les gens de la cour impériale, tandis que dans leurs réunions particulières ses collègues ecclésiastiques, fatigués de sa faconde oratoire, étaient étonnés de trouver sa science de théologien aussi courte. Si la pureté de caractère, l’étendue des connaissances dans les matières spéciales et la finesse des vues en toutes choses avaient suffi, nul doute que la direction supérieure du comité n’eût tout de suite, appartenu à celui de ses membres qui occupait dans la hiérarchie sacrée le rang le plus modeste. Elle serait venue s’offrir comme d’elle-même à l’abbé Émery ; mais l’abbé Émery n’était entré que malgré lui dans la commission[1]. Dès les premières séances, il avait combattu avec sa modération accoutumée, mais avec une rare énergie, les sentimens exprimés par la majorité de ses collègues ; il ne leur avait pas dissimulé qu’il lui serait probablement impossible d’adhérer aux conclusions vers lesquelles la plupart semblaient déjà incliner, et par le fait il ne voulut jamais les signer.

À défaut de l’abbé Emery, qui se dérobait, l’influence à exercer sur la commission se trouva passer principalement aux mains de l’archevêque de Tours, M. de Barral, et de l’évêque de Nantes, M. Duvoisin. Les rôles joués par ces deux prélats sont, à partir de ce moment, devenus si considérables dans toutes les affaires subséquentes de l’église de France qu’il nous faut absolument, avant de passer outre, toucher un mot de leurs personnes. M. de Barral et M. Duvoisin appartenaient tous deux au clergé de l’ancien régime ; ils s’y étaient même créé par leur mérite une position assez considérable avant 1789. Ils avaient l’un et l’autre émigré pendant la terreur, puis étaient rentrés en France presqu’à la même époque, peu de temps après la signature et avant la publication du concordat. Le premier consul avait rencontré tout de suite chez eux les dispositions communes alors à tous les ecclésiastiques auxquels il venait de rouvrir les portes si longtemps fermées de la patrie, c’est-à-dire une sincère reconnaissance de l’intérêt qu’il prenait alors aux choses de la religion et pour sa personne une admiration très

  1. Lettre de l’abbé Émery à l’évêque d’Alais, 20 janvier 1809. — Papiers manuscrits conservés au séminaire de Saint-Sulpice pour servir à écrire la vie de l’abbé Émery.