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Avec un tressaillement de surprise et non sans quelque indignation secrète :

— J’allais vous faire la même question, répliqua mon oncle Herse.

Ces deux hommes étaient vraiment à peindre, se toisant ainsi l’un l’autre. Le colonel avait deux pouces de plus en hauteur, mais mon oncle l’emportait en circonférence d’un bon demi-pied. L’un avait des moustaches, l’autre, qu’on ne rasait plus depuis quelques jours, portait toute sa barbe. Tous deux étaient en uniforme et tous deux avaient grande mine. — Qui êtes-vous ? reprit le colonel.

— Je suis un des conseillers municipaux de Stemhagen, repartit mon oncle.

L’autre parut surpris, et après quelques tours de chambre : — Je ne vois pas, poursuivit-il, ce que l’empereur Napoléon peut gagner à ce que je continue de vous promener par ce pays... Vous pouvez vous en aller.

Ce congé sans façon ne devait guère convenir à l’importance du rathsherr. Sa seule consolation pendant ces froides nuits où on le traînait sur les routes avait été la pensée que le « dragon corse » l’avait en toute connaissance de cause élu pour une de ses victimes. Et tout cela n’aboutissait qu’à la constatation d’un simple malentendu ? Des excuses publiques en face du régiment français sous les armes auraient pu suffire à la grande rigueur pour pallier les choses, mais se voir ainsi renvoyé sans la moindre réparation ! — Colonel, s’écria-t-il, le prenant de fort haut, un homme de ma sorte...

— Pardon, monsieur, interrompit l’autre sans lui laisser le loisir de mener à fin cet exorde ab irato et lui frappant familièrement sur l’épaule, il faut vous estimer heureux d’en être quitte à si bon compte. A la guerre, voyez-vous, les malentendus sont de tous les jours, et on a vu plus d’un brave homme fusillé sans le moindre motif... Au surplus, ajouta-t-il, venez par ici. J’aurais à vous parler en secret.

En secret !... Le colonel avait par pure rencontre touché la corde sensible. Rien ne pouvait aussi bien et aussi promptement que ces deux mots, qui flattaient sa manie dominante, faire tomber l’irritation de mon oncle. Il suivit avec empressement le colonel sur la place du marché. — Veuillez, herr rathsherr, lui dit alors ce dernier, veuillez vous charger de mes affectueux complimens pour votre excellent amtshauptmann. Dites-lui en même temps que j’ai été assez heureux pour pouvoir faire droit à sa demande, en échange de quoi j’espère qu’il accueillera celle dont vous allez