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qu’il comptait sur la Russie, et que, fort de cette confiance, il attendait l’heure propice ? Kara-George voulut en avoir le cœur net. Un soir que le colonel Balla avait dîné chez Mladen avec Kara-George, Dobrinjatz et Milenko, les Serbes, pour faire honneur au commandant russe, le reconduisirent à son logis. Chemin faisant, une discussion, une querelle même, — fortuite ou préméditée, on ne saurait le dire, — éclate entre Kara-George et Milenko. Déjà Kara-George ordonnait à ses momkes de désarmer l’insolent, et Balla, intervenant aussitôt, demandait grâce pour Milenko. Kara-George saisit ce moment pour obliger le Russe à s’expliquer. Il ôte son bonnet et conjure le colonel, par le pain de son empereur, de lui dire s’il est venu soutenir le parti de Milenko. « Je suis venu, répond Balla, prêter assistance à la nation serbe sous le commandement supérieur de Kara-George. — Laisse-moi donc, dit Kara-George, prendre et baiser ta main comme si c’était la main du tsar, » et il oublia sa querelle avec Milenko ; mais dès le lendemain, n’ayant plus à se préoccuper des Russes, il fit signifier à Milenko et à Dobrinjatz cette nomination de sénateurs-administrateurs qui leur enlevait le commandement de leurs provinces. Ils refusèrent, demandant qu’il leur fût permis de retourner chez eux et d’y vivre en simples particuliers. Kara-George avait répondu d’avance aux deux hospodars en leur posant cette alternative dont nous parlions