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au commerce maritime, être le maître absolu de l’Adriatique et pouvoir lui fermer tous les ports de la péninsule italique.


« Mais d’aussi grandes considérations, poursuivit l’empereur, n’ont eu aucune influence sur l’esprit du pape. Il s’est borné à répondre qu’il n’avait aucun motif de se déclarer contre les Anglais, qu’il était le père commun des fidèles, qu’il ne devait pas se priver de ses moyens de correspondance avec les chrétiens des pays d’outre-mer. Je ne pouvais pourtant pas le laisser à la merci des Anglais... Une longue négociation a eu lieu;... mais le pape a mieux aimé voir anéantir sa souveraineté temporelle. C’est encore avec le même esprit qu’il s’est conduit dans les affaires spirituelles. Des évêchés sont devenus vacans; j’ai usé dans la forme ordinaire de mon droit de nomination... Il refuse obstinément de donner l’institution canonique. En Allemagne, la religion est perdue par sa faute... Il ne s’est pas borné à des injures, il m’a excommunié, moi, mes ministres, toutes les personnes employées dans mon gouvernement. Ce sont toutes ces entreprises de la cour de Rome, ce sont les troubles qu’elle parvenait à susciter en France, qui sont cause que depuis le règne de Louis XIV on a toléré le cours des ouvrages qui, en affaiblissant l’empire de la religion, tendaient encore plus à détruire toute prépondérance du pape. Ce ne fut d’abord que quelques pièces de théâtre, telles que le Tartufe, etc., et ensuite des productions de tout genre qui ont fait le plus grand mal... »


Après avoir révélé à ses auditeurs comment Louis XIV avait jadis commandé le Tartufe à Molière ainsi qu’il venait de son côté de commander à M. Daunou son livre sur l’ambition des pontifes romains, afin de se préserver lui-même contre les usurpations menaçantes de Pie VII, après leur avoir si ingénieusement expliqué qu’en bonne logique c’étaient les anciens papes qu’il fallait rendre responsables de la publication de tant d’ouvrages anti-religieux parus dans les années antérieures à la révolution de 89, Napoléon se mit à entamer une longue thèse de sa façon sur l’institution canonique des évêques. Il parla ensuite avec une violente colère des lettres de Pie VII, qui circulaient dans tout l’empire.


« Ces lettres coupables avaient été transmises de Savone à Lyon par un valet de chambre de Pie VII, et c’était une femme qui, de Lyon, les avait ensuite portées jusqu’à Paris. L’abbé d’Astros, le prélat Gregori et le P. Fontana avaient trempé dans ces intrigues; c’est pourquoi il avait sévi contre eux... Cependant un tel état des choses ne saurait durer. Le pape me prend-il donc pour un des rois fainéans ou imbéciles que subjugua Grégoire VII? Je veux savoir où j’en suis, où l’on prétend me mener, et à quel point au juste on veut s’arrêter. Si le pape fait la