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Dame, elles étonnèrent un peu tous ses membres, qui toutefois restèrent complètement silencieux. Devant le cardinal-archevêque nommé de Paris, qui sortait de conférer avec l’empereur et qui s’en vantait très haut, aucun d’eux n’osait ouvrir la bouche. Seul l’abbé Émery eut la témérité de contredire énergiquement Maury ou plutôt le maître caché, mais trop visible, au nom de qui Maury venait de parler. Parmi les ecclésiastiques de France, aucun ne professait plus que l’ancien directeur de la confrérie des sulpiciens, récemment supprimée par l’empereur, le culte admiratif de Bossuet, et nul ne possédait, avec la véritable tradition des anciennes doctrines gallicanes, une science aussi approfondie du détail des affaires religieuses pendant le siècle de Louis XIV. C’est pourquoi, appelé ainsi sur son terrain, l’abbé Émery s’appliqua tout d’abord à soutenir avec beaucoup de chaleur qu’il n’y avait pas trace dans l’histoire du prétendu conseil donné par Bossuet à Louis XIV. Mis en demeure de fournir la preuve du fait qu’il avait allégué, le cardinal ne trouva rien à répondre, sinon que Bossuet, consulté d’ordinaire par le roi sur toutes les affaires ecclésiastiques de son temps, avait dû l’être aussi sur celle-là[1]. Semblable argument laissait beaucoup à désirer. Il satisfit si peu l’abbé Émery, qu’il ne voulut jamais signer l’adresse en discussion, quoique sur ses observations et sur celles de quelques autres membres du chapitre le projet primitif eût dû subir quelques légers changemens. L’idée d’attacher son nom à cette manifestation, à tout le moins intempestive, contre l’autorité spirituelle du prisonnier de Savone était trop insupportable au généreux abbé. Pour se délivrer des importunités du cardinal Maury, il préféra quitter un peu brusquement la salle du chapitre.

L’adresse, délibérée le 3 janvier 1811 par le chapitre métropolitain de Paris, fut remise le 6 à Napoléon. L’empereur avait choisi ce jour parce que c’était un dimanche, et qu’il y avait après la messe réception officielle aux Tuileries[2]. Il convenait à la politique de Napoléon de rendre aussi solennelle que possible la démarche faite auprès de lui par le chapitre de Paris et de donner un très grand retentissement à sa réponse. Le chanoine Jalabert était chargé de porter la parole au nom de ses collègues, qui n’avaient été comme lui prévenus que le matin même de l’audience. Soit calcul de la part du cardinal Maury, soit pure inadvertance, soit par suite de l’ahurissement où était chacun, il se trouva que la copie

  1. Lettres de l’abbé Émery à l’évêque d’Alais, des 12, 22 janvier, 4 et 21 février 1811. — Papiers manuscrits gardés au séminaire de Saint-Sulpice pour écrire la vie de M. Emery.
  2. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 6 janvier 1811. (Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.)