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talanas de MM. Victor Balaguer, Albert de Quintana, Antoni de Torrès, Manuel de Lasarte, avec les poésies provençales de MM. Mistral, Roumanille, Aubanel, Roumieux, Bonaparte-Wyse, d’étudier enfin ces deux renaissances pour en marquer plus complètement les affinités et les contrastes. Voici en attendant l’œuvre nouvelle de M. Frédéric Mistral.


le tambour d’arcole.
I. — PROLOGUE.

« Allons ! enfans de la patrie ! » chantaient les beaux régimens. Provençaux, Champenois, Flamands et Bretons, tous camarades, sous les trois couleurs, au pas, terribles, soulevaient la poussière, et contre l’Autriche marchaient.

Éclair formidable déchirant le ciel sombre ! Les peuples de France, ayant trempé de leur sueur, qui plus, qui moins, les vignes du terroir, s’étaient dit : « Le raisin est mûr ; debout, frères ! Faisons-le fermenter dans la même cuve ! le vin nouveau sera plus corsé et se conservera. »

Et en avant le feu ! que tout s’embrase ! En avant la vendange à pleins barils ! Puis tour à tour ils avaient bu le vin de Crau à la gourde unitaire, et, prenant du champ autour de l’arbre de la liberté, ils avaient dansé le branle.

Or voyant cette effervescence, ce débordement de moût, de jeune sève, de vie, d’enthousiasme, les voisins allemands, les buveurs de bière, passèrent le fleuve avec leurs princes blonds ; mais, pour mettre à l’ordre ces gens ivres, ils trouvèrent, dit-on, assez de gerbes à lier.

II. — LE PONT D’ARCOLE.

À l’armée d’Italie est un petit tambour qui frétille d’amour pour la république.

C’est un ver de terre sorti de Cadenet ; mais à cette heure vont en guerre les grands et les nains.

Ils marchent droit comme des lis. Le monde est stupéfait. Le monde est tout entier contre eux, mais ils ont la liberté !

Les chamades sonnent, les corbeaux ont faim... Armées contre armées s’avancent, s’approchent.

Les fleuves, les montagnes, les séparent encore ; le pont d’Arcole aujourd’hui les réunira.

Par quatre couleuvrines le pont est défendu. Oh ! mais dans les poitrine il y a des cœurs qui leur répondent.