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On peut s’y attendre ; il y a des précédens, comme on dit, notamment un certain code rural qui ne se montre que dans les grands jours et disparait dans les jours ordinaires. L’enquête agricole doublera les emplois du code rural, qui commence à vieillir. Un de ces jours, à point nommé, on en détachera une question bien choisie pour la mettre en commission et la livrer aux études des auditeurs du conseil d’état. En même temps le fait sera annoncé dans le journal qui s’affiche en placards sur les murs des communes. C’est là toujours pour celles-ci un moment de satisfaction. Pauvres communes rurales, qui saurait seulement qu’elles existent, si de loin en loin le gouvernement ne jetait sur elles un regard compatissant ? On s’étonne qu’elles votent pour lui ; mais dans presque tous les cas il est seul à s’occuper d’elles ! Pourquoi se montreraient-elles ingrates et insensibles à de petites attentions ? Il s’est établi ainsi à la longue et à petit bruit des liens qu’il ne sera pas facile de rompre, et la tâche doit être envisagée pour ce qu’elle est, sans illusion comme sans découragement. Des prétendans habiles ou hardis en sont venus à bout ; c’est leur secret qu’il faut surprendre.


III.

La première condition d’une candidature dans les campagnes, c’est la notoriété locale. Le candidat officiel peut s’en passer, il n’est que le reflet d’un corps moral qui se nomme l’état ; le candidat libre y est rigoureusement tenu, et n’y arrive guère que par deux moyens, la résidence au moins temporaire, l’effort personnel. Aucun point d’appui ne vaut ceux-là, et plus la notoriété est ancienne, mieux elle agit. En 1848, on l’avait suppléée par la combinaison du scrutin de liste, qui embrassait tous les candidats du département. Dans un champ si vaste, aucune postulation directe n’était possible ; les élus restaient en très grande partie inconnus aux électeurs. Les intermédiaires menaient alors la partie. Seulement il arrivait que dans le canton ou section de canton un candidat sur dix, par exemple, avait une notoriété locale ; ce candidat donnait la remorque aux autres, et la liste entière passait à l’aide de ce nom connu. Aujourd’hui rien de pareil, point de pêle-mêle, point de scrutin collectif. Chaque circonscription rurale se trouve en face d’un nom à élire, et à côté de celui que le préfet désigne il y a celui ou ceux qui se produisent et se désignent eux-mêmes. On en est revenu ainsi à la postulation directe, qui, pour un candidat libre, semble à peu près de rigueur. Cette condition se retrouve dans la plupart des candidatures qui ont réussi en ces derniers temps.

Comment ont-elles tracé leur voie ? Instinctivement, on peut le dire, sur les lieux mêmes, avec le moins de bruit possible, en ne